A propos de Juste entre nous de Rajko Grlic 3.5 out of 5 stars
A la mort de leur père, un peintre de nu renommé de Belgrade, deux frères se retrouvent pour confronter les choix de vie opposés qu’ils ont fait mais aussi leur goût commun pour l’adultère…
L’aîné, Nikola (joué par Miki Manojlovic, l’acteur fétiche de Kusturica) a réussi dans les affaires mais s’est exilé pendant la guerre (1991-2001), ce que lui reproche son petit frère Braco (Bojan Navojec), professeur fauché tout juste renvoyé de l’Université pour avoir couché avec des étudiantes. Pendant la guerre, Braco est resté et a même porté les armes dans son pays tandis que Nikola, lui, est parti faire fortune aux Etats-Unis.
Ces deux frères entre 40 et 50 ans sont des bourgeois aux destins opposés. Nikola fait partie de ce que l’on appellerait en Russie les « oligarques », ces « nouveaux riches » très liés au pouvoir et apparus après la chute du communisme. C’est un bourgeois « bling bling » et hypocondriaque qui continue d’entretenir des relations adultères avec plusieurs femmes de Belgrade alors que sa femme (Daria Lorenci) est enceinte.
Braco, sorte de « looser » sympathique à la Big Lebowski, gère le patrimoine de feu son père. Opulent, avec une attirance immodérée pour l’alcool, il a été viré par sa femme et s’est retrouvé au chômage. Face à ses difficultés, il accuse son frère d’avoir fui pendant la guerre tout en lui « tapant » de l’argent.
Juste entre nous, dont le réalisateur est croate et les producteurs viennent de trois républiques différentes de l’ex-Yougoslavie (!), est un faux vaudeville kusturicien. Le prétexte de cette farce grotesque est la blague que Braco, cuité, a faite un soir à son frère. A cause de ses problèmes (imaginaires ?) de prostate, Nikola a collecté dans un flacon un échantillon de sperme pour que sa femme puisse avoir un enfant de lui par « insémination artificielle ». Après avoir échangé les échantillons, Braco se retrouve père du futur bébé comme Nikola l’a été de sa propre fille quinze ans plus tôt ! De situations incongrues et outrancières, Juste entre nous en est truffé. Le langage et les dialogues « fleuris » de cette comédie la rapprochent encore plus des films de Kusturica. Pourtant, malgré l’exagération cocasse et le côté exubérant de ses personnages (on pense à du Almodovar), Juste entre nous est un film beaucoup plus teinté de nostalgie qu’il n’y parait. Ce n’est pas comme on croit au début une énième farce balkanique.
La musique de Satie comme les compositions d’Alfi Kabiljo et Alan Bjelinski sont un signe qui ne trompe pas. Tout l’intérêt de Juste entre nous tient dans ce portrait d’une génération entre deux époques, qui sent qu’elle a vieilli et qu’elle n’est plus dans le coup, dépassée par les changements trop radicaux d’époque, de régime et de système économique (la fameuse mondialisation). Tchékhovien, ce tableau de famille tire surtout son charme du parfum doux-amer, suranné qu’il dégage. Donnant l’impression que derrière le rire, les feuilles mortes se ramassent à la pelle…
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