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Année 1973. Las Vegas, temple de l'argent, est gouverné de manière occulte par le tout puissant syndicat des camionneurs. Sous leur autorité, Ace Rothstein ( Robert de Niro ), homme impitoyable avec les tricheurs, règne sur l'hôtel-casino Tangiers et va se laisser séduire, pour son malheur, par une virtuose de l'arnaque d'une saisissante beauté, Ginger ( Sharon Stone ), que, très épris, il épouse sans tarder. Nicky Santoro ( Joe Pesci ), son ami d'enfance, est devenu son homme de main et sait avec brutalité s'acquitter des basses tâches. Une série de trahisons douloureuses vont cependant ruiner l'entente du couple et les dérapages ne vont plus cesser de se multiplier. Se sachant incomprise de son mari, Ginger sombre dans la drogue et cherche l'appui de Nicky, si bien que les affrontements de ce trio infernal vont bientôt leur nuire, d'autant qu'ils sont de plus en plus étroitement surveillés par la police et le FBI. Un terrible et ultime affrontement sera à l'origine de l'effondrement de l'empire...
Casino est une de ces oeuvres phares qui, à un moment donné, nous offre la somme de ce que, périodiquement, une civilisation engendre pour le meilleur et le pire, avec une force et une précision étourdissantes. A la fois lyrique et intimiste, ce film, l'un des plus aboutis de Martin Scorsese, bénéficie d'une parfaite adéquation entre un metteur en scène surdoué et des interprètes qui ont su pleinement et magnifiquement assumer leurs rôles. C'est le cas de Sharon Stone, qui obtiendra le Golden Globe de la meilleure actrice pour son admirable composition, où elle allie l'intensité et la fragilité à la façon des personnages chers à Tolstoï, ainsi que de ses partenaires, excellentissimes eux aussi : Robert de Niro et Joe Pesci. La richesse et la perfection de Casino en font une oeuvre dense et essentielle de par la réflexion qu'elle instaure sur les grandeurs et misères du pouvoir. On pourrait à ce propos la rapprocher d'un film comme Ivan le Terrible, tourné par un Eisenstein alors au sommet de son art. Scorsese, qui est également au sommet du sien, y fait montre d'une science prodigieuse du rythme qui est l'un des éléments remarquable du film, en permanence sous tension, mais une tension concentrée qui ne se disperse pas, se ramasse pour devenir l'oeil du cyclone ; tout cela servi par un contrepoint visuel et sonore d'une grande qualité ( une mention spéciale pour la très belle musique de Georges Delerue ). Tragédie- parodie d'une ampleur et d'une cruauté inouïes, ce long métrage s'apparente à une parabole d'une décadence à la romaine, lorsque les hommes se croient suffisamment maîtres de leur destin pour oser affronter les dieux, le final a de ce fait quelque chose d'infiniment tragique, comme si une malédiction en avait précipité l'embrasement. Il nous fait assister également à une triple désagrégation : celle d'un couple, d'une amitié et d'un empire.
Le cinéaste a pénétré cet univers du jeu avec une curiosité qui ne laisse aucun détail au hasard. Tout est montré avec virtuosité des plus secrets rouages de la machine Las Vegas. Les trucs des tricheurs, les magouilles nous sont présentés par une caméra acérée et percutante, non sans drôlerie, non sans férocité, en une série de séquences qui relèvent de l'anthologie. Sous nos yeux captivés se déploie un festival d'images qui, presque toutes, sont diaboliquement expressives et rendent compte des moindres ramifications de ce monde très particulier et incroyablement hiérarchisé dans la violence. Du cinéma de haut vol qui exerce sur le spectateur une fascination durable.
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