Ségolène Royal comme les autres leaders socialistes, à quelques très rares exceptions près, sont entrés dans une gestion de crise particulièrement inadaptée qui risque de placer tous les candidats de cette formation en situation fragile à l'issue de "l'affaire DSK".
Il y a en effet la création désormais manifeste de quatre fractures et d'un enterrement.
1) La première fracture concerne la réalité des faits. La présentation de l'emballement de la machine judiciaire américaine ne répond à aucune réalité. Le maître mot est le professionnalisme. Le Procureur chargé de l'affaire sait qu'il n'a pas droit à l'erreur. Sinon, c'est la fin de sa propre carrière. Par conséquent, le profil même de DSK et les conséquences qui résulteraient d'un amateurisme en la matière sont l'assurance de précautions particulières.
Donc parier sur un "dossier faible" de la part de l'accusation est une très probable erreur considérable. Les prochaines étapes risquent d'assombrir encore davantage le paysage.
2) La seconde fracture concerne le bon sens. DSK s'est comporté à l'opposé de toute personne "normale" placée dans des circonstances comparables. C'est là où la vérité judiciaire va prendre le dessus sur les formules politiques. Avant d'entrer, le personnel en question frappe pour demander s'il y a une présence. A supposer même que l'intéressée soit entrée, il suffisait de lui indiquer de sortir immédiatement. Si l'intéressée ne sortait pas, le comportement ordinaire consistait à appeler la direction de l'établissement. A chaque étape, DSK s'est beaucoup éloigné d'un comportement normal. C'est cet écart qui doit être analysé et qui va beaucoup peser.
3) La troisième fracture concerne le respect de la victime. Dans une procédure judiciaire américaine, le procès est autant celui de l'accusateur que celui de l'accusé. Les détectives de DSK vont chercher à déstabiliser l'accusatrice, fouiller sa vie privée. C'est la seconde violence faite à la présumée victime. Cette dernière pour vivre aux Etats-Unis connait la dureté de cette épreuve où tout sera sur la place publique.
4) La quatrième fracture concerne le respect des contraintes d'une campagne présidentielle. Aux Etats-Unis, un universitaire ne donnera pas un rendez-vous à une élève tout seul un soir pour préparer un mémoire. Et là, DSK, avec les suspicions qui pèsent déjà, ne prend aucune précaution. Ce n'est pas qu'il n'ait pas les moyens financiers car sa fortune familiale est considérable. C'est d'un amateurisme affligeant pour le minimum.
Aux Etats-Unis, avant de commencer la moindre campagne électorale, un candidat recrute deux détectives et leur demande de fouiller sa vie privée (professionnelle comme intime). S'ils trouvent rien de sérieux, il pourra alors seulement envisager d'être candidat. Sinon, il y renoncera. Et après avoir pris cette décision, il mandatera une équipe pour faire de même sur les concurrents. Ce n'est plus les programmes qui comptent mais les tempéraments.
Et l'opinion n'accepte pas que la vie privée serve que pour promouvoir. Si la vie privée est mise en avant, c'est toute la vie privée sans exception. C'est logique.
Quant à l'enterrement, c'est l'image du PS qui est maintenant en cause. Il donne une image de clan très éloigné de l'Intérêt Général. Il y a un clan qui semble prêt à tout pour défendre l'un des leurs qui est en perdition. Cet "Etat PS" ne peut qu'inquiéter.
C'est dommage que Ségolène Royal ait participé à cet enterrement de l'image du PS. C'est la tragédie de la primaire et de la communication interne qu'elle impose. Les primaires viennent bien de montrer leur mauvais visage : privilégier l'esprit de corps à destination de militants plutôt que la défense de valeurs collectives autrement plus importantes.