L’obsèdent feuilleton des démêlés new yorkais de Dominique Strauss Khan avec la justice, au-delà des conséquences politiques intérieures, des turbulences internationales autour d’un FMI fragilisé au pire moment, ne peut que questionner sur un fonctionnement judiciaire qui surprend beaucoup de nos compatriotes. Il ne s’agit pas de se lancer dans une étude comparative de droit dont l’auteur est bien incapable ; il y a d’excellents blogs et traités pour ceux qui désirent se plonger dans une telle recherche exhaustive ou simplement comprendre des images “sidérantes” : nous citerons en particulier Journal d’un avocat et Justice au singulier. Sur l’actualitét, ils sont d’ailleurs tous les deux très prudents. Le sujet n’est pas ici DSK lui-même, mais la manière dont nous recevons les images venues d’Amérique. Ajoutons qu’au sein même du vaste ensemble américain, des différences concidérables peuvent exister entre l’est et l’ouest, le nord et le sud; New York n’est pas Los Angelès.
Il demeurt que chez nous cette fameuse « présomption d’innocence » si souvent invoquée, si peu respectée surtout lorsqu’il s’agit d’un dossier politiquement sensible, ne permet pas de voir sur grand écran et en boucle les images d’un prévenu menotté ou d’assister en direct à sa comparution devant le juge qui lui signifie les motifs de son inculpation et les mesures conservatoires qui vont être appliquées. Nous avons droit éventuellement à des croquis d’artistes du crayon assistant à un procès, rien de plus. Dans l’affaire qui parasite nos écrans depuis 3 jours, il est à remarquer qu’en France cette « présomption d’innocence » a été particulièrement bien observée à gauche, on pouvait l’espérer, mais également à droite ou seul Bernard Debré a pu sembler dépasser la « ligne rouge ». Cet affichage d’une discrétion ostentatoire chez les opposants naturels à DSK n’est pas un signe encourageant pour lui, tant il est vrai que si sa disqualification définitive n’était pas en ligne de mire et considérée comme acquise, l’aménité ne serait sans doute pas la même.
Les images venues d’Amérique ont certainement surpris bon nombre de nos concitoyens peu habitués à ce rituel ailleurs que dans les feuilletons quotidiens diffusés en sagas interminables sur toute les chaînes TV depuis de nombreuses années. Pour beaucoup ce n’était que du “cinéma”, lequel tout à coup tout devient réalité sous leurs yeux avec un acteur principal qui n’est autre que celui qu’ils voyaient déjà présider à leur destinée. Beaucoup de ceux qui se répandent sans cesse sur les mérites d’une Amérique au top démocratique et exemple à suivre, se déclarent subitement choqués. Les rois de la transparence hexagonale demandent le voile pudique là-bas.
Une différence majeure semble surprendre : le « puissant » aux USA ne bénéficierait d’aucune immunité particulière héritée de sa charge ou des missions qu’il accomplit au moment d’un délit présumé. Pour certains ici scandalisés par l’intouchabilité Nationale, une certaine réserve devrait être de mise ailleurs. On peut en effet suggérer que le « puissant » aux USA, s’il peut espérer les meilleurs avocats, les possibilités d’honorer des cautionnements libératoires, assumera en revanche les rigueurs sans concession d’une publicité toujours plus dure pour lui que pour l’inconnu avec photos et vidéos à l’appui.
Enfin, les affaires touchant au sexe sont réputées très mal ressenties par le peuple américain, beaucoup plus que chez nous ou le sourire narquois accompagne encore souvent le soudard en rut. C’est un peu paradoxal dans cette grande démocratie par ailleurs souvent très libertaire, capable d’innover dans le domaine des mœurs acceptables, voir même de paraître à nos yeux dépasser les bornes. Il est vrai que la juge américaine, républicaine pure et dure, protestante rigide n’est certainement pas non plus le meilleur atout dans cette phase préliminaire des déboires de DSK. Rappelons seulement qu’il ne s’agit que de la toute première phase, dite « conservatoire » d’un feuilleton qui débute et qu’elle ne préjuge en rien de la suite d’un procès éventuel. Ainsi, sans porter de jugement de valeurs sur ces différences énormes, pouvons-nous mieux comprendre des images qui nous surprennent. Pourrions-nous simplement reconnaître que la justice d’un pays est sans doute aussi une manière de mieux le discerner, d’en apprécier certaines caractéristiques, d’en évaluer les constructions sociologiques et historiques ?
Dans une mondialisation qui ne cesse d’envahir toutes les sphères de la vie des hommes (citoyens du monde !), pas seulement la mondialisation économique, mais aussi culturelle, il s’agirait de savoir si notre peuple dans sa majorité est d’accord pour des évolutions dans ce sens. Parions que l’image du « puissant » en souffrance, ramené au rang du « rien » tout à coup muet, ne peut qu’exciter l’arène et, j’en suis certain, rencontrer l’adhésion. N’en doutons pas beaucoup vont franchir le pas de l’approbation, le sang du puissant répandu sur le sable a toujours fait recette, quitte ensuite à le regretter quand ils seront victimes ou accusés. Il est toujours difficile de réclamer tout et son contraire, la transparence et le secret de la vie privée, les fauves dans l’arène sans effusion de sang, le spectacle et la décence, le frisson de l’horreur et la douceur du printemps, la vérité sans brutalité.
Toute vérité est toujours brutale.