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DSK et la presse, la peur du vide

Publié le 17 mai 2011 par Vogelsong @Vogelsong

“Quel crédit s’attache encore aux mensonges dont l’énormité souleva, comme une vague, l’enthousiasme et la férocité des prosélytes, soutint les causes également nobles et ignobles, livra aux feux de l’extase et des tourments les hordes de militants fanatisés” R. Vaneigem in Adresse aux vivants

Entrainer les foules dans la spirale de l’identification demeure la grande réussite de l’information spectacle. Les images d’un oligarque menotté sidèrent en grande partie grace au capital d’empathie accumulé. Le citoyen français finalement sait peu de choses sur D. Strauss-Kahn. Candidat putatif à l’élection présidentielle, ancien ministre socialiste, que l’on brosse à grands traits comme un homme sérieux, intelligent, responsable. Le coup de tonnerre de sa possible (ou même de l’hypothèse de sa) disparition médiatique laisse un microcosme politico-médiatique traumatisé. Orphelins d’un de leurs fétiches, les amuseurs omniprésents du cirque politique transfèrent une inconsolable frustration. Il est insupportable d’imaginer une sommité hexagonale tant louée, éconduite ainsi par les autorités américaines. Comme la perte de l’objet transitionnel, la presse exhibitionniste inflige les gémissements de son désarroi face au vide. Entre stress-test éditorial et dissonance cognitive journalistique.

DSK et la presse, la peur du videUn élément majeur du dispositif médiatique s’évapore. Avant son oblitération il brille de mille feux avant l’implosion, car tous les protagonistes du show médiatique savent qu’il manquera. Beaucoup a été investi sur l’image de D. Strauss-Kahn dans une mécanique médiatique bien réglée. T. Legrand en pleine dépression invitait le PS à suspendre le processus des primaires, l’annonce de la disparition du protagoniste principal l’ayant fortement ébranlé. B. Roger-Petit en donnera un bel exemple aussi dans son billet d’ouverture sur Le Plus, à base de sentiments, de dépit, instillant le doute, contredisant une photo pour verser dans le compassionnel “…le visage fermé afin de conserver un semblant de dignité en la terrible circonstance va nous hanter ?”. Tentative épistolaire de conjurer le mauvais sort. Une illustration de la presse (quasi unanime) qui tourne en boucle deux jours durant sur l’espoir fugace d’un complot. Dans aucune affaire aussi grave, on ne se sera donné autant de mal pour rendre possible ce genre d’hypothèse. Bien que probable, la manigance ne figure jamais dans les priorités des commentateurs optant toujours pour la version officielle, policière. Ce qui à lieu c’est la tentative folle d’un enfermement du public dans le mode de pensée des producteurs d’opinion. Le transfert de leurs frustrations quant à la possible disparition d’une figure chérie. D’un des leurs. Car il s’agit pour beaucoup d’une prise de position de caste. Une cooptation éditocratique pour un candidat qui a priori n’effarouche pas l’olympe des médias hexagonaux. Que représente D. Strauss-Kahn pour le citoyen en dehors de l’image que ses zélateur en ont donné ? C’est-à-dire une construction médiatique arrondie, lisse, présidentiable qui ne peut être soupçonnée d’un quelconque écart. Un avatar irréprochable à destination de M. Tout le monde. Loin du traitement de l’homme de la rue pris dans les tourments médiatico-judiciaires similaires.

Une grande partie de la médiasphère se trouve enfermée dans une hypothèse qu’elle n’arrive pas à accepter. Elle a massivement investi dans l’hypothèse DSK. Pour beaucoup la conversion a été douloureuse, le ralliement (a priori) au social libéralisme n’allait pas de soi. Apparaît une dissonance entre l’idée qu’ils se sont fait de leur champion et le chemin que prennent les évènements. Alors, le rééquilibre s’avère complexe, il faut réduire l’écart entre le souhaité, l’envié et les éléments qui se cristallisent sous leurs yeux. Dans l’impossibilité de modifier leurs croyances immédiatement, se propagent toutes sortes de scénarios jamais évoqués dans d’autres circonstances ou pour d’autres individus. Or dans cette perspective, les argumentaires les plus cocasses ont débondent, de “l’homme étant un séducteur, il ne peut s’adonner à ce type de comportement”, en passant pas “compte tenu de sa puissance il n’a pas besoin d’utiliser la force pour assouvir ses besoins” jusqu’aux enquêtes suivies de conclusions par des apprentis Sherlock Holmes à plus 6 000 km de là. Des explications plus ou moins fantaisistes pour remettre, en vain, le réel en consonance.

La question ici, n’est pas de statuer sur l’innocence de l’homme, car c’est impossible. Mais de contempler avec effarement le comportement irrationnel d’un univers médiatico-politique en perdition. Du simple fait de la mise en échec de l’un de ses favoris. Les hérauts ont perdu un de leurs champions, ils ne savent comment s’en remettre. Alors vient le concert de pleurnicheries dément et assourdissant, qu’ils infligent sans retenue à leurs ouailles.

Vogelsong – 17 mai 2011 – Paris


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