Le commentaire de tom sur mon billet précédent me conduit à revenir sur le sujet de l’ISF que j’avais effleuré plusieurs fois dans le passé. Je n’avais pas l’intention d’apprécier si un tel impôt était justifié ou non. Je m’élevais simplement contre la présentation qui consistait à faire croire que l’on avait renoncé à supprimer l’ISF, qu’on l’avait même durci en supprimant le bouclier fiscal, alors qu’on le réduisait fortement, exonérant de tout impôt la moitié des assujettis. On peut s’étonner de ce que :
- cette mesure ait pour conséquence de réduire de plusieurs milliards les rentrées fiscales alors que l’État s’est engagé à ramener notre déficit dans des limites plus acceptables.
- la modification du montant et du calendrier de perception de l’impôt permette aux assujettis de bénéficier avant la présidentielle d’un différé, voire d’une suppression, de leur impôt.
Je ne sais pourquoi les têtes d’œuf de Bercy ont envisagé de taxer la totalité du patrimoine au taux de la tranche la plus élevée. Ils se seraient aperçus depuis que ceci produisait un effet de seuil, comme le fait fort justement remarquer tom, et ils chercheraient désormais un mécanisme pour en réduire les conséquences. Plutôt que de le réduire, on peut simplement l’éliminer en conservant le système actuel, appliqué par l’ISF comme par l’IRPP : chaque tranche est taxée au taux qui lui correspond.
Je constate également, comme le fait tom, que, du fait de la flambée des prix de l’immobilier, le propriétaire d’un appartement de 100m² à Paris se trouve rapidement au-dessus du plancher actuel de l’ISF. J’apporterai toutefois un bémol à cette remarque en faisant observer que le nombre d’assujettis à l’ISF à Paris est sensiblement inférieur au nombre de ces mêmes appartements. Les bénéficiaires de cette situation sont vraisemblablement des propriétaires qui n’ont peut-être pas saisi quelle était la valeur de leur résidence principale. Par contre, les acquéreurs récents ne peuvent sous-estimer cette valeur, le montant de la cession faisant foi.
Les biens professionnels sont exonérés de l’ISF, afin de ne pas risquer de mettre des entreprises en péril. De même, les œuvres d’art jouissent du même privilège, pour éviter leur fuite vers l’étranger. Les immeubles étant par définition non mobiles, est-ce pour cette raison que l’on n’a pas jugé utile de les retirer de l’assiette de l’ISF ? Plutôt que de relever le plancher de l’ISF, il eut été plus judicieux de retirer de l’assiette de l’ISF la valeur de la résidence principale.
En 1982, le gouvernement Mauroy a institué l’Impôt sur les Grandes Fortunes. Lors de la cohabitation, le gouvernement Chirac l’a supprimé et le gouvernement Rocard l’a remplacé en 1989 par l’Impôt de Solidarité sur la Fortune. Vous remarquerez qu’au passage, les fortunes ont cessé d’être grandes. Mais effectivement un tel impôt n’a guère de sens. Un patrimoine se constitue par les revenus du travail ou par ceux du capital, qui sont les uns taxés lors de leur acquisition, les autres lors de leur réalisation. Une autre voie pour constituer ou agrandir un patrimoine est l’héritage qui, lui aussi, est imposé lors de la transmission. Taxer annuellement le patrimoine revient donc à ponctionner une seconde fois des biens déjà imposés. Etrange, n’est-ce pas ?