Rarement un titre aura été aussi juste. La femme qui habite cette histoire se sent seule et, du coup, vide, avec cet urgent besoin qu’on la remplisse. À peu près tout le monde a déjà éprouvé un tel sentiment, mais a-t-on fait l’exercice de déplacer au-dessus une puissante loupe? Lynda Dion l’a fait et l’a bien fait. J’ose dire « bien » puisque c’est de cette manière que j’explique l’intérêt que j’ai pris à goûter son histoire. Pourtant, ces temps-ci, je vis une surdose de romans à l’odeur de « je », à la concentration si forte que je n’en sens même plus la mienne !
La connivence que j’ai développée avec cette forte personnalité désemparée ne s’est pas établie dès les premières pages. Comme dans la vie, les rencontres ne sont pas toutes des coups de foudre. Il y a un apprivoisement, mais qui se passe rapidement, tellement l’auteure nous laisse pénétrer chez elle sans détour. Elle n’est pas là pour s’entendre bien écrire mais pour exprimer son besoin urgent d’exister. De s’exprimer. Les mots n’ont qu’à bien se tenir, prêts à servir son urgence de dire.
Le thème de la femme seule qui aime mais trop par son vif désir d’être aimée est presque éculé tellement il a été visité. Et pourtant ! Comme les chansons d’amour, tout dépend de l’angle, du ton, de la vérité pour qu’on soit rejoint sur son île.
L’angle se prend par la chronique, chacune semant des graines poussant dans l’instant, ou quelques chapitres plus tard. Quoiqu’il en soit, les chroniques « chapitres » nous abandonnent presque à chaque fois sur un sain qui-vive. Le style est gourmand, il avale tout sur son passage, même les signes de ponctuation ! Mais la vérité du personnage reste la principale force d’attraction. Le bouquet de la complexité, de la nuance et de la dualité de l’être est placé à l’avant-scène. L’exposition sans complexe des faiblesses de la narratrice est une voie rapide menant au lecteur. Celui-ci peut cheminer et se dire que pour cueillir l’amour de l’autre, il faut tout d’abord s’en porter. L’angoisse de la solitude est décrite sans larmoiement, plutôt dans la quotidienneté, ce qui m’a assurément rejointe.
Vous dire que je n’ai jamais buté sur le défilement des mots sans le repère de la ponctuation serait mentir. À certains moments, le jet roule dans la vitesse et l’harmonie et à d’autres, même ma relecture était ardue ! C’est un défaut dont j’ai su m’accommoder par amitié pour ce personnage attachant qui fait l’histoire.
Quatre autres regards :
Mylène : Dévorer ou être dévoré, telle est la question
Catherine : Femme cherche amour à croquer
Philippe : Chronique d'une solitude
Lucie : Exercice de style
La dévorante - Lynda Dion, Collection Hamac, 230 p. Parution février 2011.