Je ne suis pas la fille la plus politisée qui soit. Je ne connais pas tous les projets de lois, les enjeux économiques et toute l’histoire passée. Oui, je devrais rouvrir mes livres d’Histoire afin de mieux comprendre toutes les subtilités et effets pervers qu’ont pu avoir sur le Québec le rapatriement de la constitution et les tentatives d’accords qui ont suivi sans jamais aboutir. Je ne prends jamais la parole à ce sujet-là parce que je ne me sens pas dans mon champ de compétence. Comme disait Dédé : « condamné par le doute, immobile et craintif, je suis comme mon peuple, indécis et rêveur, je parle à qui le veut de mon pays fictif, le cœur plein de vertige et rongé par la peur » (La Comète, Dédé Fortin, 2000). Peut-être je suis un peu inculte. Ou trop jeune. Ou préoccupée ailleurs. Mais je suis une grande sensible. Comme Dédé. Comme les québécois. Et je suis curieuse et souhaite prendre mon temps pour m’instruire sur ces questions-là qui me concernent et me préoccupent plus que jamais aujourd’hui.
Mais j’ai toujours été pour l’indépendance du Québec. D’aussi loin que je me souvienne. J’avais 11 ans le 30 octobre 1995. Est-ce que j’ai compris tout ce qui se passait lorsque je suivais la soirée électorale avec mes parents? Je ne sais pas. Mais je me souviens de tout ce vent de OUI qui était partout. Toutes ces affiches colorées représentaient pour moi quelque chose de merveilleux.
Avec mes yeux d’enfants, je voyais un monde se dessiner autour de moi rempli de champ de marguerites où j’allais pouvoir aussi souvent que je le souhaitais, dégarnir les-dites marguerites de leurs pétales, un à un, jusqu’à ce que mon prince charmant m’aime passionnément ; un monde en paix où tous allait aimer leur travail ; un monde où on allait pouvoir tout inventer et créer de nos propres mains ; un monde où on allait avoir notre propre monnaie : « mais on va pouvoir garder l’orignal pis les castors hein maman ? » « Ben oui, ma grande ! Ce sera juste plus la Reine sur le revers ! » J’étais si excitée à l’idée d’avoir un nouveau pays, d’être enfin chez-nous comme disait mes parents, enfin être libre, libre de parler français et d’avoir notre propre culture. Oui, sans doute que j’ai été influencée par mon milieu et par ma famille. Je ne savais pas vraiment ce que ça représentait à l’époque.
N’empêche.
J’ai grandi à Joliette. Lanaudière est un terreau fertile où les tapeux de pieds, reelleux et joueurs de musique à bouche sont maitres : La Bottine Souriante, La Vesse du Loup, la Volée d’Castor pour ne nommer que ceux-là. Mes partys de Noël et du jour de l’an se passaient dans le sous-sol de mon arrière-grand-mère. On devait être 1000. Dans ma tête d’enfant. La tournée des becs en pincettes finissait pas. Les matantes mettaient de la poudre blanche sur le plancher de béton parce que ça glissait mieux pour enchainer les set carrés, les p’tites gigues, les danses en lignes pis le fameux continental. Avec des mononcles qui jouaient de l’accordéon, du violon, de la guimbarde pis des cuillères. Les chansons à répondre font parti de ma culture. Le Festival Mémoire et Racines qui à lieu chaque été depuis plus de 15 ans a ponctué gaiment mes vacances d’ado au parc St-Jean-Bosco.
Et pas que.
Je suis fière de mes racines, de ma langue, d’où je viens. Pas seulement sur le plan de la musique traditionnelle. Pour moi, la musique de chez-nous, la musique québécoise, est l’une des plus riches qui soit. Elle raconte notre histoire. Il suffit de penser aux grands Félix Leclerc, Gilles Vigneault, Richard Desjardins, Plume Latraverse... Je pense aussi à tous les artisans qui contribuent à l’effervescence de notre culture et qui font rayonner notre cinéma, notre théâtre, notre télévision, notre poésie et notre histoire. Je suis fière du Déclin de l’Empire américain, de la Face cachée de la Lune, de la Petite Vie, de Gaston Miron et de Marcel Tessier. Je suis fière de tous ces gens qui savent exprimer mieux que moi le Québec, qui racontent cette histoire qui est la nôtre et qui osent croire en une culture distincte. Et je suis fière de me souvenir. Nous ne devons pas oublier d’où nous venons. Nous devons protéger notre mémoire et se donner les outils pour la conserver.
Quelques jours après que le Canada ait voté majoritairement pour un gouvernement conservateur de droite (je dis bien le Canada : le Québec s’est prononcé contre à 82%), je suis déçue. Et triste. Nous n’avions pas prévu une si grande défaite pour le Bloc québécois. Nous ne voulions pas, j’en suis persuadée, déloger Gilles Duceppe qui se bat depuis 20 ans pour faire entendre notre voix et défendre nos intérêts à Ottawa. Mais nous avons quand même massivement voté pour le NPD ou plus particulièrement pour Jack Layton (ou contre les conservateurs, c’est selon).
Depuis 11 ans, Pierre Paquette était le député bloquiste de Joliette. Il a été défait par le NPD. Outch. J’ai mal. Dans Rosemont-Petite-Patrie, Bernard Bigras qui régnait depuis 1997 à aussi cédé sa place aux oranges. Re outch. Dire qu’on a souvent pressenti ces deux messieurs comme potentiels successeurs de Gilles Duceppe… Le Bloc a perdu énormément. Et les conclusions n’auraient certainement pas été les mêmes si notre mode de scrutin était différent : oui le Bloc aurait perdu des plumes, mais il n’aurait pas été décimé… Nous attendons quoi pour changer cette manière de voter quasi anti-démocratique ? Je crois que c’est la première chose sur laquelle il faut miser actuellement. Nous devons tout mettre en place pour faire entendre nos voix. Nous n’aurons plus besoin alors de faire des votes stratégiques tordus dont les résultats finaux ne représentent pas la réalité.
Mais en même temps, je ne peux m’empêcher de me questionner sur ce que nous avons voulu faire en affirmant que nous avons clairement des idées opposées au ROC –Rest of Canada-. Oui, nous sommes différents. Oui nous voulons du changement. Oui le NPD est représenté par un bon Jack, mais est-ce vraiment ce que nous voulons ? Est-ce que je suis trop utopiste de penser que c’est enfin le moment de concentrer nos efforts au Québec et de claquer une fois pour toute la porte à ce pays aux valeurs diamétralement opposées de celles du Québec ? Est-ce que je suis la seule à penser que nous devons dès maintenant repenser le projet de souveraineté afin que nous puissions le plus tôt possible quitter le beau grand Canada ? Gilles Duceppe n’est plus à Ottawa. Il est peut-être temps de miser sur le Parti Québécois. De défendre nos intérêts de l’intérieur.
Cessons de nous demander ce que nous pouvons faire pour que les choses changent. Il est temps d’agir, enfin! Cessons de nous dire que nous sommes nés pour un petit pain. Aujourd’hui nous sommes sur la scène internationale, avons des ressources naturelles que nous devons protéger. Cessons d’avoir peur d’être assimilé et d’être avalé par le méchant Canada. Mettons nos culottes et agissons ensemble. Protégeons notre langue. Nos terres. Notre histoire. Notre culture. Notre mémoire. Souvenons-nous de nos racines. Battons-nous. Défendons-nous. Nous sommes québécois. Oui et tout devient possible. Offrons-nous le ce pays !