Trop de voyages ces derniers temps pour blogger.
Tant mieux d’ailleurs : assez radoté, assez parlé de Sarkozy, de la dictature modeuse, du strass totalitaire, de la gauche stupide, de la droite salope, du centre mou, des extrémismes délirants, du populisme racoleur et du reste, de tout le reste qui fait que j’aime avoir tort quand tout le monde croit avoir raison. Et le contraire aussi.
A quoi servirait donc un blog s’il ne prenait le monde à rebrousse poils, s’il se contentait de pontifier comme les médias ?
Alors je parlerai de l’Egypte où je me trouvais la semaine dernière.
Vous vous en souvenez de cette belle révolution, de celle qui allait changer le monde, transformer le bien en mal comme l’eau en vin et le pain en graines de couscous ? Donc Dieu créa la révolution : La télévision nous montra ce miracle. Lequel restera l’essence du spectacle.
Et le clergé journalistique nous récita ainsi les versets de la laïcité et de la démocratie conquérante, à l’écoute de la seule élite cairote - celle qui passe ses vacances entre Paris et New York et qui, pour une part d’entre elle, se sentait lésé par le clan Moubarak qui s’accaparait une trop grosse part du gâteau.
Sauf que l’Egypte, celle des villages qui n’ont pas bougé pendant des décennies, celle des femmes en noir, celle des gens qu’on n’écoute jamais, cette Egypte là c’est elle qui fait l’histoire malgré elle. Pas sûr que la révolution l’intéresse. Mais puisque élection il y aura, on l’entendra. Et comme peut-être en Tunisie et plus certainement en Lybie, on découvrira que le peuple était mauvais, qu’ il avait trahi sa révolution !
Il y a longtemps que le réel est recouvert par la vision de ceux qui, souvent avec raison, voudraient qu’il soit à la mesure de leurs aspirations. Le réel est pourtant ce refoulé qui revient, pour le meilleur ou pour le pire, répandre son poil à gratter sur nos plumitifs triomphants.
Le racisme nauséabond trouve ainsi sa pitance chez ceux qui ont pour profession de débusquer la petite phrase qui clouerait au pilori tel ministre ou tel chroniqueur. La lutte des femmes pour la dignité et pour l’égalité n’est pas mieux servie par les quelques hystériques se posant en éternelles victimes. Et il faudrait citer toutes ces minorités visibles ou invisibles, passées, présentes ou à venir dont on brandira toujours l’étendard pour mieux trancher la tête à tout le monde ! Car minoritaire, qui ne l’est pas ? Qu’est-ce que la norme ?
Donc en Egypte, le peuple bouge. L’accès à Louxor fut un temps interdit parce que le nouveau Préfet était copte et il fallut donc qu’il démissionnât. L’église d’Assouan, protégée par l’armée, exhibe pourtant ses vitres brisées. Et l’économie est au plus bas ce qui ne manquera pas d’attiser les tensions. Bref la révolution est devant, la vraie révolution, non pas le rêve éveillé de quelques commentateurs, mais la tuerie à venir dans quelques semaines ou quelques mois. Le cynique admettra qu’on y rêve mieux qu’hier en déambulant dans des temples déserts.
Le dire est incorrect. Alors je retire tout.
L’Egypte sera un paradis sur terre. L’Islam répandra ses lumières sur le monde nimbé de transparence, de tolérance et de miel. La jeune femme de chambre ghanéenne victime de la matraque turgescente de DSK , du machisme, de la pauvreté et de l’injustice sociale, en belle Cendrillon épousera un Emir des mille et une nuits. Carla Sarkozy ira à la soupe populaire en pauvre petite fille riche. Marine Le Pen entrera au couvent avant de se convertir à l’Islam. Tout le monde sera écologiste et végétarien ave dérogation pour le hallal et le kasher. Tout le monde sera laïque, entendra-t-on dans les églises et les mosquées. L'univers sera écologique, féministe, libéral, social, égalitaire, respectueux des différences qui d'ailleurs auront disparu...
Bonne nuit les petits.