Les foudroyés de Paul Harding

Par Sylvie

ETATS-UNIS - Prix Pulitzer 2010

 

 

  Editions Cherche-Midi "Lot 49", 2011

Incontestablement l'un des grands livres de cette année 2011...

Une histoire incroyable : un premier roman qui ne trouve pas d'éditeurs, qui finalement est publié par un éditeur indépendant à 3 500 exemplaires....et qui finit par avoir le Prix Pulitzer 2010.

Un conte de fée pour cet auteur américain de 42 ans dont l'écriture d'un lyrisme flamboyant fait penser à Hawthorne ou à Thoreau. Un digne héritier des grands classiques américains.

Sur 180 pages, nous est retracée l'épopée intérieure de trois générations d'hommes.

Georges, vieil horloger, agonise dans sa maison, entouré de toute sa famille. Victime d'hallucinations (il croit voir sa maison d'effondrer). En même temps, il se souvient de ses ancêtres.

Son père, Howard, épileptique, qui vendait toute sorte d'objets (peignes, poêles, seau, soude, bijoux, cafetières, brosses, savons...) dans sa carriole et qui parcourait les routes du Maine d'antan.

Ce père se souvient lui-même de son propre-père, prédicateur calviniste un peu fou...

A travers cette dynastie de "foudroyés" (ce sont des hommes maudits par leur condition, l'épilepsie ou la folie) que le destin rattrapera, c'est toute l'Amérique des origines, celle de la Nouvelle Angleterre, qui se rapproche de nous, celle des pionniers qui luttent contre la nature et contre leur propre folie.

Au fil des saisons (magnifiques descriptions de paysages d'hiver ou le marchand Howard vient ravitailler de vieilles fermes et des indiens solitaires), les hommes chantent leur fusion ou leur conflit avec la nature.

Car c'est bien d'un poème en prose qu'il s'agit ; au détour d'un chemin, les éléments de la nature s'éveillent ; c'est à une fête païenne que nous assistons ; la brume qui enveloppe le paysage, les rayons de soleil qui miroitent entre les arbres, les brins d'herbe qui s'irisent, la neige qui étincelle, l'eau qui s'enflamme....On y cherche les secrets des origines, dans les hiéroglyphes sur les écorces de bois par exemple, érigées tels des totems...

L'homme itinérant célèbre ses noces avec Dame Nature (magnifique épisode où Howard, l'itinérant, compose une tapisserie de fleurs pour sa femme), cherche sans fin le secret de sa fabrication et pour finir, devient lui-même bois ou métal. L'homme ne se fait pas poussière mais se fond au contraire aux éléments naturels.

Et, au rythme des souvenirs, George se souvient aussi de sa passion pour les horloges, pour ses mécanismes secrets. Les horloges qui rythment le temps qui passe...

Ne vous imaginez pas un récit ésotérique, inaccessible. Cette ode à la nature riche en émotion est aussi l'histoire tragique d'une famille sur trois générations, où les hommes sont maudits. Au fil des pages, nous sont dévoilés ce secret, cette malédiction.

C'est au contraire un joli conte sur la condition humaine tragique de l'homme. Vous déambulerez encore longtemps sur ces vieilles routes magiques en compagnie de d'Howard, de son vieux cheval Prince Edward et de sa vieille carriole de bric et de broc ....

Tout simplement envoûtant...

"Nous écorcions des arbres morts et le bois tendre en dessous était pâle comme de la sciure et parfois recouvert d'étranges motifs qui ressemblaient à des inscriptions qu'on eût gravées dans le bois à l'aide d'un stylet ou d'un petit outil tranchant avant de replacer l'écorce sur le tronc-un cuir rugueux, un peau d'échardes protégeant un langage secret. Ces hiéroglyphes s'offraient à nous comme des révélations, comme des messages déposés là à notre intention pour que nous puissions les tâter et les gratter du bout de nos bâtons mais sans jamais les comprendre, puis les abandonner là, tels des totems, en attendant que les trouvent ceux à qui ils étaient véritablement destinés, au moment de rebrousser chemin dans le fracas des brousailles"