On s’interroge : que serait-il advenu de l’imposant C-17A si Douglas n’avait pas été soluble dans le groupe Boeing ? Peut-ętre aurait-il connu de nouveaux développements et sans doute aurait-il été candidat ŕ la succession des ravitailleurs en vol KC-135R de l’armée de l’Air américaine. Une hypothčse qui n’a męme pas été mentionnée au moment oů les concepts KC-767A et KC-45/A330 MRTT s’opposaient violemment au sein du Pentagone. Un projet KC-17 avait pourtant été étudié, il y a de nombreuses années, avant de tomber dans l’oubli. De męme, le BC-17X civil ne fut pas poursuivi, sans doute pour ne pas gęner les versions fret du 747-400.
Reste le fait que le gros cargo militaire C-17A Globemaster II poursuit une belle carričre, grâce ŕ des succčs tardifs ŕ l’exportation. Il se vend ŕ l’unité, ou presque, mais il se vend. Ainsi, les Emirats arabes unis vienne de prendre livraison du premier des six exemplaires qu’ils ont commandés, le septičme appareil de la Royal Air Force vient d’arriver sur la célčbre base de Brize Norton, l’Australie vient d’acheter un cinquičme appareil, etc. Et le carnet de commandes compte encore 13 exemplaires destinés ŕ l’USAF qui, au total, en aura acheté 223 exemplaires. C’est-ŕ-dire beaucoup moins qu’initialement prévu, contre l’avis de nombreux politiques soucieux de préserver une force de projection longues distances unique au monde.
L’histoire du programme C-X est riche en enseignements. Le quadriréacteur estampillé Douglas a effectué son premier vol il y aura 20 ans en septembre et est entré en service ŕ la mi-1993. Son développement ne se fit pas sans heurts, mais sans répéter pour autant les grandes difficultés qui marqučrent la genčse, la mise au point et les dérives budgétaires du Lockheed C-5 Galaxy. Lequel avait fini par mettre son constructeur ŕ genoux, seul un plan de sauvetage fédéral lui permettant in extremis d’éviter le pire.
Le C-17A, lui, a connu des problčmes d’une ampleur acceptable. Douglas a consacré de grands efforts ŕ ce programme qui lui a permis de maintenir une activité importante ŕ Long Beach, alors que la lignée civile MD-11 s’essoufflait et que la filičre DC-9/MD-80 marquait le pas. C’est le C-17A qui a sauvé l’honneur de Long Beach et lui permet de continuer ŕ jouer un rôle emblématique, sous la banničre Boeing, au cœur d’une Californie aéronautique qui vit repliée sur son passé.
Longtemps, Douglas n’a pas envisagé de chercher ŕ exporter le C-17A qui souffrait d’un préjugé d’avion coűteux offrant des capacités d’emport et des performances qui dépassaient les besoins de la plupart des Forces étrangčres amies. Une erreur d’appréciation qui a été corrigée quand l’établissement de Long Beach, en quęte de relance, a enfin compris que l’exportation constituait la seule chance de survie de la production de cet appareil unique dans sa catégorie.
Des efforts de productivité tout ŕ fait considérable ont alors été déployés pour éviter d’afficher un prix catalogue dissuasif. Parallčlement, les méthodes de production ont été profondément revues et simplifiées, l’objectif étant de maintenir la rentabilité de la chaîne malgré une cadence trčs basse, une dizaine d’avions par an. Moyennant quoi il devenait possible de tenir pendant que se multipliaient les démarches commerciales tous azimuts.
Le succčs est venu et pourrait connaître d’autres développements. Ainsi, l’Inde envisage de commander une dizaine de C-17A, dans le cadre de négociations d’Etat ŕ Etat, le Pentagone soutenant avec beaucoup de dynamisme des efforts de promotion de Boeing. En revanche, le dernier C-17A destiné ŕ l’USAF sera irrémédiablement livré ŕ la fin de l’année prochaine, sans aucun espoir sérieux d’achats supplémentaires. Et cela malgré un lobbying qui se poursuit sans relâche, et dont le slogan dit tout : Ťwhy we need more C-17Asť.
Cette situation n’affecte en rien les ambitions ŕ l’exportation de l’Airbus A400M, lequel s’inscrit astucieusement entre le Ťgrosť C-17A et le Ťpetitť C-130J. D’ores et déjŕ, on entrevoit une situation paradoxale, l’industrie européenne étant seule capable d’offrir un cargo militaire de Ťbonť gabarit. On en reparlera trčs bientôt, l’A400M, maintenant sorti de difficultés budgétaires qui semblaient inextricables, bénéficiant de prometteuses perspectives ŕ long terme. Ce qui n’empęche évidemment pas les Américains, sur un tout autre créneau, de chercher ŕ imposer le C-17A ŕ d’autres clients. Curieusement, Ils n’auront ensuite rien d’autre ŕ offrir.
Pierre Sparaco - AeroMorning