Je sais maintenant à quoi j’appartiens depuis ce jour où je me suis confondu à de la boue. Tout avait disparu dans l’univers. La terre n’était plus que boue. Les dictatures ne tenaient plus debout. Le capitalisme s’engluait de boue. Les monnaies rompues à l’exercice de la boue. Les taux de change effondrés. Cette divine pluie a réinséré dans le monde sa métaphore. Boue comme première instance. Le commencement. Avec les mains. Sans armes. Sans munitions. Sans artifices. Les hommes sont des dieux nés après les richesses. De la boue comme sponsor. Sans logo. Tout est boue. Evanescent. Finissant sa trajectoire de la lumière à l’obscurité. De l’obscurité à la lumière. La nature poursuit son cycle. La fortune devient insoluble. De la boue comme résistance. De la boue contre la terreur idéologique. De la boue contre les carences énergétiques puisque notre époque nous roule dans la boue.
Mes souvenirs aussi sont de la boue. De la boue vertigineuse. Macérée par des mains d’homme et de poussière. Puisses-tu écrire même dans de la boue. Les forêts amazoniennes en seraient ravies. Apocalyptique humanité viendra le règne de la boue. Compacte et volumineuse. J’en fait la matière. L’ Œuvre. Créatrice en puissance. L’opacité du monde. Eau et sable. Comme une fonction du temps. Symbole du fini et de l’infini. Une parabole de la durée. Fine subtilité que cette mutation de la boue en argile et plâtre. Terre battue. Fin sable d’ange. Cendre du monde et de l’univers évanoui.
Pétrir avec force. Frapper. Sculpter. De la boue d’artisan et d’artiste. Boue en profondeur. Dans les eaux claires et obscures. S’engloutir dans les espaces marins. Trésors et secrets dans la vase. Se rouler dans la boue. Bataille dans la boue. Recréation dans la boue. Joie de vivre et force debout.
De l’or dans la boue de chaque marécage. Fin échantillon du colossal. On retrouve ta poétique et ta peinture malléable chère à tous les orfèvres. Couleur ocre, foncée, bronzée comme une fusion alchimique de la nature.
Deus nous confère son pouvoir. Tout est dit dans le siège de nos mains. Cette boue qui nous fait naître. Cette fange qui nous fait maître. De la boue comme le souvenir des ancêtres. L’opacité du monde dans ses couloirs invisibles.
De la boue simple et solide pour une métaphysique de la main qui pense. Plus de boue encore comme une réflexion en chaîne. Cette boue fertile pour qu’y poussent les fleurs au gré des saisons.
De la boue rhétorique montée pour soutenir le langage…Tant qu’il y aura de la boue subsistera l’homme : force debout.