Quelque chose à transmettre

Par Arielle

Les bagages sont prêts, Hélène charge la voiture et en route pour la Savoie !

Elle se sent bien là bas, elle y est en sécurité. Son fils aime l’emmener faire des promenades en montagne. Le petit sentier monte sec, elle y va à son rythme, elle souffle, elle fait des pauses et c’est reparti ! Hélène admire et hume les monts et les vallons.

Ils arrivent tous les deux dans une grande clairière où une cabane parait abandonnée. Ils s’approchent, poussent la vieille porte en bois, non sans quelque appréhension. Un frisson les saisit : cette masure a une âme ! Elle les appelle, les invite à descendre l’escalier. D’ailleurs ils n’ont pas le choix : il est placé juste à l’entrée, faire un mauvais pas serait le dévaler.

Les marches craquent, les toiles d’araignées les accompagnent. Plus ils descendent et plus il fait sombre. Un courant d’air en un souffle les glace, Hélène s’accroche à la rampe qui semble gémir. Cet interminable raidillon débouche sur une pièce voutée, une cave peut-être. L’humidité s’y est installée, ça doit grouiller de bestioles, ici ! Notre courageuse Hélène éprouve de drôles de sensations, elle a l’impression qu’on la frôle, elle croit entrer dans des sphères ensorcelées, elle avance sur la pointe des pieds comme pour ne pas déranger. Elle écoute le silence peser.

Hélène sait qu’on l’observe, c’est hallucinant ! L’endroit semble s’animer, le sol en béton se meut, un bambin surgit du néant.

-   Bonjour vous !

Dit-il en s’approchant de notre héroïne.

Mère et fils se montrent à peine surpris et je dirais même qu’ils se sentent étrangement rassurés, les inquiétudes s’estompent, ils sont comme dans une bulle fascinante. Du haut de ses trois pouces et demi, ce petit homme les a hypnotisés.

-   Je suis né il y a bien longtemps, le sais-tu ?

-   Nous nous connaissons ?

-   Je suis un arrière grand-père maternel, un enfant conçu en période de guerre, j’ai un présent à te remettre.

La belle Hélène écarquille ses mirettes puis doucement ferme les yeux et tend ses mains comme si elle attendait une friandise. Une chaleur monte en ses entrailles éveillant un sentiment de bien être qui illumine son visage dans cette pénombre.

-   Regarde maintenant !

Comme un spéléologue remontant à la surface, Hélène est éblouie. Il lui faut un certain temps pour entrevoir ce qu’elle avait deviné être un livre. Mais quel livre ! Tout broché d’or fin sur lequel reposent une plume et un encrier sertis de diamants. Son cœur bat la chamade.

-   Comment sais-tu que j’aime écrire ?

-   C’est mon cadeau en héritage, un trésor que tu dois garder soigneusement au fond de ton cœur.

-   On m’a raconté qu’un de mes aïeuls publiait de la poésie. Est-ce toi ?

-   Oui. Je te donne la connaissance, fais en bon usage.

Tandis que l’ancêtre rejoint ses pénates souterrains, notre duo remonte au rez-de-chaussée où la lueur du jour est bien terne par rapport aux mille merveilles qu’il vient de rencontrer. C’est d’un pas léger et alerte que de bon cœur, ils poursuivent leur route, souriant aux coquelicots, saluant les petites reines du miel, chantonnant quelques sons issus d’une inspiration soudaine.

A la tombée du soir, ils iront, comme un weekend end sur deux, chercher la petite. Elle a un point commun avec le lutin du cabanon : elle est, elle aussi, née hors mariage. Hélène a hâte de lui raconter son aventure dans cette maisonnette qu’elle avait déjà repérée lors de leurs petites virées et qui l’attirait sans trop savoir pourquoi. Elle n’avait jamais osé franchir la lourde porte du passé, apeurée par cette tentation.

-   Coucou, nous voici !

La gamine oriente immédiatement son regard sur le bel ouvrage étincelant qui dépasse du sac de sa mamie. Depuis toute petite, elle aime inventer et jouer des pièces de théâtre. Elle est assez douée pour les lettres en général. Devant son admiration pour son prestigieux grimoire, Hélène se laisse aller à un élan de générosité :

-   Tiens, je te le donne. Fais en bon usage, il contient la connaissance.

A cet instant précis, Hélène prit conscience que la littérature se transmet dans les familles, de générations en générations et qu’elle est vouée à traverser les siècles. Rosie a de beaux jours devant elle, de belles découvertes qui l’attendent au travers de mots, de poésies, de mises en scène.