100 livres en 100 semaines (#6) – ru

J’ai commencé à lire ru en n’ayant aucune idée dans quoi je m’embarquais. Pourtant, moi aussi j’avais énormément entendu parlé du livre, de Kim Thúy son auteure, de son histoire, des nombreux prix remportés, toutefois je m’attendais à toute autre chose…

ru, raconte le parcours d’une survivante. Une vraie de vraie boat people, qui a quitté Saigon avec sa famille et quelques 200 autres réfugiés. Une pénible traversée dans une cale insalubre, qui finit par la mener jusqu’à Granby.

Je croyais avoir droit au format auquel on peut s’attendre avec ce genre de récit ; la vie qui va, le drame de la guerre, le départ déchirant, l’odyssée interminable, la découverte d’un nouveau chez-soi et les inévitables anecdotes qui vont avec, les amitiés salvatrices et amours réconfortants, puis finalement le happy ending. Eh non, ru ce n’est pas ça. Plutôt que de prendre son lecteur par la main et lui faire parcourir les chemins auxquels il s’attend, Kim Thúy s’y prend de façon beaucoup plus subtile.

La plaquette de 145 pages est parsemée d’une centaines de petites tranches de vie. Quelques phrases ou quelques paragraphes, rarement plus d’une page, qui remplacent les traditionnels chapitres. Ces histoires sont l’équivalent des photographies qu’on tire d’une boîte à chaussures au hasard et qui rappellent des souvenirs épars. Kim Thúy qui décrit un après-midi avec sa cousine Sao Mai, raconte l’autisme de son fils Henri, se souvient de la misère des camps de réfugiés comme du grille-pain dont on ne savait quoi faire lors des premières années de sa famille à Granby. L’exercice est réussi, l’horreur en devient supportable, le quotidien se transforme en poésie.

Une lecture vite passée mais qui laisse des images qui resteront. Prochaine étape, on annonçait récemment l’adaptation de ru pour le cinéma. Il n’y aurait pas encore de réalisateur ou scénariste associés au projet, on se souhaite toutefois qu’ils fassent preuve de la même sensibilité que Madame Thúy pour raconter ses histoires.