J’ai récemment dénoncé la mascarade actuelle de la réforme de l'ISF : on affirme avoir renoncé à faire disparaître l’ISF et avoir supprimé le bouclier fiscal. En réalité, les taux fortement réduits de cet impôt vont diminuer de plusieurs milliards les ressources d’un État déjà trop fortement endetté. De surcroît, cette réduction rend inutile, pour la quasi-totalité des assujettis, le bouclier fiscal, qui peut donc disparaître.
Après avoir ainsi revêtu l’armure du chevalier blanc protecteur des humbles, Nicolas Sarkozy a tenu à manifester sa solidarité avec les fortunés. La déclaration de fortune devant être faite avant le 15 juin, ceux qui acquittent l’ISF n’auraient pris connaissance des libéralités de l’État à leur égard qu’en juin 2012, après l’élection présidentielle. Pour leur permettre de les éprouver avant la date fatidique, il a été prévu de reporter la date de la déclaration 2011 au mois de septembre. Ce délai doit permettre d’adopter les textes nécessaires et de préparer de nouveaux imprimés de déclaration. Il me semble difficile de comprendre comment on peut différer les rentrées attendues de l’ISF et en sacrifier une partie.
Mais ce n’est pas tout. Si les nouveaux taux d’imposition ne s’appliqueraient qu’à partir de 2012, par contre le relèvement du plancher de 800.000 à 1.300.000 interviendrait dès cette année. La moitié des assujettis actuels se trouveraient ainsi exonérés et, surtout, seraient dispensés de fournir une déclaration. Voilà une disposition bien singulière : pour savoir s’il est redevable ou pas, un contribuable doit rassembler les éléments décrivant sa fortune et établir sa déclaration. Le fisc a alors la possibilité de vérifier si ce contribuable se situe ou non en-dessous du plancher d’imposition. Il semble bien que cette dispense soit destinée à supprimer pour certains l’impôt à régler en 2011, quitte à ce que l’administration fiscale vérifie ensuite et vienne réclamer ultérieurement un dû éventuel. L’essentiel est de s’être montré sympathique jusqu’au 6 mai 2012, pour permettre au contribuable aisé de manifester sa reconnaissance.
Je peux vous assurer que, lorsqu’un contribuable franchit ce plancher et remplit pour la première fois une déclaration d’ISF, le fisc ne se prive pas de lui demander ensuite pourquoi il s’en était abstenu les années précédentes. Dans les statistiques de l’administration des impôts, celle-ci parle des redevables. Ce qu’elle entend par là, ce sont, parmi les déclarants, ceux qui dépassent le plancher de l’SF. Mais elle ignore ainsi tous ceux qui auraient dû déclarer le montant de leur fortune et s’en sont abstenus. Elle préfère attendre calmement que le règlement d’une succession lui permette de découvrir ce montant et de le taxer alors.
Tous ceux qui dénoncent les fraudeurs aux aides sociales seraient bien avisés de se préoccuper des plus fortunés. Le nombre des évadés et les montants dissimulés sont de toute évidence bien plus importants.