L’exposition d’Ernest Louis Lessieux présentée au Palais Carnolès du 14 mai au 12 septembre prochain s’articule autour de trois villes dont le lien historique est célébré cette année par la commémoration des 150 ans du rattachement à la France. Lessieux suscite toujours la passion de collectionneurs attentifs, grâce à qui ses travaux sont regroupés, conservés et présentés régulièrement au public. Au coeur du Palais Carnolès, lieu chargé d’histoire et de symboles, ancien domaine de la famille princière de Monaco, auquel Antoine Ier a su donner sa splendeur et montrer son attachement, le grand aquarelliste « chantre des paysages mentonnais » fera revivre au public plus qu’une époque, un souvenir ancien. Le souvenir de ces sentiers sauvages reliant entre elles les villes, ou encore un souvenir plus ancien où l’on venait à Menton de Monaco par la mer.
L’homme et l’artiste
Lessieux, l’homme et l’oeuvre, extraits d’un texte de Serge Bernstamm à la mémoire du peintre, « Notre journal, Menton – Monte Carlo et leurs environs – 6 février 1926 » L’homme chez Lessieux fut exquis. Au physique ? Je crois voir encore sa bonne figure au fin et spirituel sourire, je sens encore fixés sur moi ses chers yeux aimants et malicieux, un peu cachés sous des sourcils épais, les lunettes voilant leur éclat ou leur rêverie, le nez fortement accentué, la figure maigre, ridée, les méplats vigoureusement accusés, le front haut, vaste dégagé, plein de pensée, de sagesse, de méditation, de noblesse et de sérénité. De caractère lucide, réfléchi, d’esprit froid, pondéré, plein de bon-sens, logique, mesuré, prudent, consciencieux, maître de lui, exact. (…) « Regardez plutôt, mon ami, tout là-bas, ce coucher de soleil sur le Cap-Martin, cet embrasement de l’horizon… Est-ce assez beau, est-ce assez grand ! Ah ! si j’avais mes couleurs ». Car sa ligne primordiale de vie était : « chercher, observer, regarder, travailler, produire sans défaillance, bien faire et … laisser dire ». Bûcher, lutter encore et toujours pour le pain quotidien et ces divines maîtresses, jamais traîtresses : la peinture, l’aquarelle.
A soixante-quinze ans passés, le pied et le jarret solides, en quelques sortes alpestres, chargé de tout son attirail professionnel, de quelques vivres, il partait, dès l’éveil de l’astre-roi pour la mer, la vallée, la montagne parfois la plus lointaine, et ne rentrait guère qu’à la chute du jour, invariablement frais, dispos, de bonne humeur, l’appétit excité, rapportant immanquablement quelque saisissant croquis, quelque toile lumineuse.
Vous décrire en détail les oeuvres de Lessieux ? Impossible ! Tâche surhumaine, elles sont innombrables (…) : des bois du Cap-Martin aux falaises de la Mortola, Menton s’élance en flèche, dernière ville française se mirant dans les transparences de la mer ligurienne (…). Le pinceau et le crayon de Lessieux ont réussi à donner la grandiose silhouette ; le burin du maître a su restituer, dans toute son ampleur, ses gorges d’une âpreté quasi Dantesque. Et puis voici maintenant l’harmonieuse silhouette du rocher de Monaco, l’aride Tête de Chien, le martial massif du Mont-Agel, les dentelles de Sainte-Agnès se profilant dans l’azur, les renflements sombres du Cap-Martin, et, jusqu’à Bordighera, les lumineuses sinuosités de la côte enchanteresse. (…) L’art d’Ernest Lessieux ? Des clartés, des chants, des parfums ! L’on est tenté de se pencher sur la toile et d’humer les couleurs. Irrésistiblement, vous vous sentez entraîné de surprises en ravissements. Les fleurs sont pierreries, chaque plante tire son feu d’artifice de verdure ! La manière de Lessieux ? éclatante de lumière, vraiment en harmonie avec cette terre pétrie de rayons qu’est la Côte d’Azur. Ses oeuvres chantent éternellement la chanson de la saison sacrée, la chanson du printemps.
Palais Carnolès – Musée des Beaux Arts
Ouverture de l’exposition du 14 mai au 12 septembre 2011
Tous les jours sauf le mardi et les jours fériés
De 10h à 12h et de 14h à 18h
Entrée libre
Source: Office tourisme Menton
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 31 août à 14:55
ERNEST LOUIS LESSIEUX... À PERTE DE VUE.
« Jésus leur répondit : N’est-il pas écrit dans votre loi : j’ai dit : vous êtes des dieux ? » Jean, X, 34.
À contempler l’œuvre peint d’Ernest Louis Lessieux, on comprend mieux Épictète lorsqu’il nous dit : « Si Dieu avait fait les couleurs et toutes les choses visibles sans une faculté capable de les voir, à quoi serviraient-elles [1] ? ». Car en effet, qu’auraient été le chemin des douaniers, Roquebrune-Cap Martin, le Rocher, Fontvieille... si l’artiste Mentonnais n’avait pas posé son chevalet tout le long des sentiers qui parcourent et dominent la Riviera, depuis Menton jusqu’à Monaco ? Simplement matière brute savamment organisée et mise en forme au fil des millénaires. Structures minérales et végétales à la fois riches et complexes. Équilibres, harmonies et organisation parfaite. Puissants entrelacs minéraux, végétaux et organiques attendant tout au long de temps immémoriaux qu’un regard plus puissant que les autres achève la Création d’un coup de pinceaux magique.
Car à contempler une œuvre saturée d’ombres et de lumières, on comprend que l’artiste a véritablement mis le point final à un travail commencé depuis la nuit des temps. Matière encore inaccomplie attendant un œil pour l’achever enfin dans une totale perfection que nulle nature ne saurait atteindre sans complément visuel ; sans un regard pour ultime révélation.
La peinture, ici les aquarelles de Lessieux, sont à proprement parler sur-naturelles. Chaque œuvre contemplée ajoute en quelques touches de couleur minutieusement disposées un supplément de vie, d’âme et de création à l’œuvre naturelle elle-même. Un surcroît de complexité et d’organisation qui manquait à l’édifice pour qu’enfin il accède à une perfection, oserai-je dire, toute divine ? [...]
(Lire la suite sur http://les-naufrages-de-dieu.over-blog.fr ).
Sébastien Junca.