[livre] la Mouche & le Masque de fer

Publié le 15 mai 2011 par Vance @Great_Wenceslas

 

Un roman historique de Nicole Voilhes, éditions In Octavo (2011)

Résumé : 1681. Le Marquis de Louvois expédie le chevalier de Beaudry en tournée d’inspection des prisons transalpines. Occasion rêvée pour sa femme, Marie, dite « la Mouche », de sortir un peu d’un train de vie qui l’exaspère pour partir à l’aventure. Or, dès la visite de Pignerol, elle se trouve confrontée à un mystère qui l’émoustille déjà : la présence d’un prisonnier fantôme, non inscrit sur les registres, et qu’on dit portant un masque de fer. Qui est donc cet inconnu dont le visage doit être dissimulé à tout prix ? La Mouche compte bien le découvrir, même si, bien vite, son enquête entraîne menaces et agressions, ce qui renforce encore sa détermination. Mais est-elle prête à risquer sa vie pour percer un secret si bien gardé ?

Une chronique de Vance


Joli ouvrage que ce roman proposé par les éditions In Octavo pour l’opération Masse Critique : une couverture au toucher agréable et nantie d’une très belle illustration, une nomenclature discrète, une typographie élégante et très lisible dans une mise en page sobre et fonctionnelle, du papier de qualité. La forme est soignée et flatte l’appétit du lecteur. A l’ère des tablettes et autres e-books, ce sont des arguments de poids.

Le coin du C.L.A.P. : Un petit livre rapide, expédié en quelques soirées et une visite chez l’ophtalmologiste (ne jamais oublier son livre quand on sait qu’on va être confronté aux angoisses de la salle d’attente !).

Roman d’aventures sur fond historique, la Mouche & le Masque de fer s’avère être le second volet (pour l’heure) des tribulations de Marie de Beaudry qui avait mené l’enquête aux côtés de son mari afin de demêler l’affaire des Poisons, en plein règne de Louis XIV. Très vite, on prend connaissance du caractère affirmé de cette « Mouche », surnom donné à l’héroïne pour sa propension à voleter autour des mystères auxquels ne devraient être confrontés que les Grands du Royaume : femme indépendante au tempérament moderne mais ressassant en permanence une enfance difficile, séduisante mais préférant de loin les énigmes aux mondanités (qu’elle subit néanmoins en tant qu’épouse d’un chevalier proche de Louvois), vive d’esprit mais forcée par son rang et l’Etiquette de garder pour elle la plupart des commentaires acerbes qu’elle rumine sur la société qui l’entoure, notamment et surtout les courtisans, fine observatrice des mœurs de son époque, Marie n’en demeure pas moins une femme aimante et une mère attentionnée. On le voit, beaucoup de traits contradictoires qui enrichissent le portrait d’un personnage finalement assez proche d’Angélique, l’héroïne de cette saga romanesque (et romantique) des époux Golon, puis de ces films auréolés d’une magnifique quoique sirupeuse bande originale de Michel Magne, à la différence capitale que Marie est davantage le témoin de son époque que la victime  à répétition d’événements improbables.

Ch. XVI, p. 137, §1 : Sourires par devant, critiques par derrière, éloges éhontés à Louis XIV, mépris souverain pour les domestiques et faux-fuyants et bassesses insignes et ragots et cabales… Versailles cache tant de turpitudes sous ses dorures !

Or, dès les premiers chapitres, l’intérêt pour l’intrigue s’affaisse : bien que l’auteur manie plutôt adroitement ces phrases ampoulées chargées d’hypocrisie qu’on attribue généralement aux courtisans de l’époque, et agrémente régulièrement ses pages d’anecdotes parfois croustillantes, on s’enlise dans les atermoiements de l’héroïne confrontée à la pesante influence de dirigeants occultes qui l’empêcheront à tout prix de mener à bien son enquête au sujet de l’identité du Masque de fer. C’est pourtant une de ces énigmes qui ont engendré tant d’œuvres plus ou moins convaincantes d’un point de vue historique, mais souvent enlevées et hautes en couleurs (Nicole Voilhes se charge d’ailleurs d’en faire un petit topo dans l’épilogue, qui contribue paradoxalement à renforcer notre sentiment de frustration). Ici, à chaque péripétie (la Mouche manque plusieurs fois y perdre la vie), nous avons droit à de longues pages où l’héroïne se lamente, hésite sur la marche à suivre (continuer, au risque de laisser sa famille orpheline, ou baisser les bras et n’y perdre que l’honneur ?), tente de reconstruire sa vie avant qu’un autre événement ne la fasse « replonger » dans les arcanes dangereuses de cette chimère trop bien gardée. Certes, elle finira par accumuler des renseignements et se construira de nombreuses hypothèses, mais sans jamais s’y accrocher, doutant chaque fois de la validité de ce qu’elle avance – ou ce que ses rares compagnons lui proposent. On a l’impression agaçante d’une valse hésitation où la Mouche se lance, puis recule, avant d’avancer à nouveau tout en se réfrénant. Au passage, les années passent, sa famille s’agrandit et le mystère reste entier, à peine écorné par les quelques bribes qu’elle a pu tirer de tel témoignage ou indiscrétion. Cela permet de mieux nous familiariser avec le décor dans lequel elle évolue (Louis XIV vient à peine de s’installer à Versailles où il convie sa cour et nous avons de temps à autre des nouvelles de ses amours tumultueuses) mais casse complètement le côté palpitant que doit conserver ce genre de roman.

Léger et agréable à parcourir, sans doute plus facile d’accès pour des adolescents, ce livre n’en est pas moins une petite déception pour les amateurs de mystères historiques et d’aventures épiques.

La Mouche et le Masque de Fer Nicole Voilhes Critiques et infos sur Babelio.com

Ma note : 2,2/5


Citations :

Ch. XII, p. 75, exergue : Citant La Rochefoucauld : « Il n’y a point d’accident si malheureux dont les habiles gens ne tirent quelque avantage. ».

Ch. XXIV, p. 191, exergue : Citant David Ferguson : « Il n’y a pas de médecin de la peur. ».