Magazine

Mercenaires: un marché en plein “boum”

Publié le 15 mai 2011 par Rhubarbare

Tout le monde connait de nom la société Blackwater, une armée privée fondée par l’ancien militaire américain Erik Prince et cheville ouvrière de l’armée d’occupation US en Irak. Suite à quelques déboires judiciaires liés (notamment) au meurtres de civils irakiens par des mercenaires de Blackwater, Prince à vendu sa société aujourd’hui appelée Xe Services LLC.

Erik Prince a depuis lors émigré au Emirats Arabes Unis, histoire de mettre un peu d’eau et de sable entre lui et les juges américains. Histoire, surtout, de créer une armée de mercenaires pour le compte du prince héritier d’Abou Dabi, le cheikh Mohamed bin Zayed al-Nahya, commandant en chef des forces armées des E.A.U. 

Selon le NY Times, Prince met sur pied un bataillon de 800 mercenaires de tous horizons, avec une mise de fond des E.A.U. de 529 millions de dollars. 

15prince2-articleInline.jpg
Cette troupe est casernée dans un immense camp militaire en plein désert, la cité militaire Zayed. La formation militaire est assurée par des militaires américains bien sur, mais également par des militaires en retraite des armées allemande et britannique, et de la Légion Étrangère française. Le sujet fut sans doute abordé durant la visite du cheikh à Paris, reçu par Sarkozy le 29 avril dernier.

Pourquoi des mercenaires au sein d’une armée de défense nationale? L’usage de formateurs militaires étrangers est courant dans les pays sans grande tradition militaire, mais pourquoi ne pas former des soldats locaux? Sans doute est-il difficile d’en trouver, la plupart des nationaux vivant le cul dans le beurre grâce au pétrole. Déjà que l’essentiel de la force de travail est constitués d’immigrés, alors trouver des soldats… D’autant que la région est particulièrement instable et le grand voisin Iranien est perçu comme un réel danger par les Emirats. Il faut donc une force crédible et, surtout, non musulmane afin d’éviter le risque que des musulmans refusent de combattre d’autres musulmans. Une grande partie de cette force semble provenir d’Amérique Centrale et Latine, ainsi que d’éléments d’Afrique du Sud sur le marché depuis la dissolution de Executive Outcomes en 1998 pour cause de “débordements”.

Qu’un Etat riche en pétrodollars mais pauvre en ressources humaines cherche à développer sa capacité militaire par ce biais, rien d’étonnant. Mais, toujours d’après le NY Times, le plan de Erik Prince va bien au-delà d’un service au E.A.U, il vise à créer un empire mercenaire travaillant sous contrat pour qui veut bien le payer. Il a créé une nouvelle structure en ce sens, nommée Reflex Response (R2 pour les intimes) détenue à 51% par les Emirats via une mise de fond de 21 millions de dollars. R2 est spécialisé dans la formation militaire et le recrutement de mercenaires, et opère partout dans le monde. Dans l’équipe dirigeante, un certain Ricky Chambers (dit C.T.) ex agent du FBI et comparse de longue date de Prince. Salaire annuel: 300 000 dollars US. Les salaires des cadres sur les points chauds vont jusqu’à, voir dépassent les 200 000 dollars US annuels. La recrue de base est payée dans les 150 dollars par jour nourrie et logée, soit trois fois le smic en net – juste pour fixer les idées. Les demandes d’emploi ne doivent pas manquer même si il semble que la “qualité” ne soit pas toujours au rendez-vous. De nombreuses recrues ont été renvoyées chez elles suite au constat d’inaptitude et d’inexpérience au combat.

Indépendamment des questions juridiques et surtout éthiques que soulève la vague du mercenariat, se pose la question opérationnelle: comment se conduit une force de frappe dans une action dans laquelle sa seule implication est contractuelle – autrement dit financière? Nous sommes ici face à une dynamique d’auto-production de conflits par ceux qui sont payés pour les mener. La privatisation de la guerre, comme toute privatisation d’un monopole public naturel, ne peut que mener à la catastrophe: renchérissement du prix à payer par le public et baisse de la qualité de la “prestation” (à traduire par: bavures à répétition, massacres, etc..). L’exemple de Blackwater en Irak est suffisamment parlant. A terme, les armées mercenaires seront même en mesure d’exercer un chantage sur leurs propres commanditaires. Les marchands de canons ont de beaux jours devant eux.

Billet en accès libre sur rhubarbe.net 


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rhubarbare 760 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog