Quatrième de couverture « La mémoire défaillante de ma mère l'a replongée, pendant les derniers mois de sa vie, dans son enfance. Redevenue soudain une petite fille, puis une très jeune fille tôt mariée, elle s'est mise à me parler, à se confier, convoquant les morts et les vivants. L'amour filial, fort et passionnel, est souvent enrobé de pudeur et de non-dits. En racontant son passé, ma mère s'est libérée d'une vie où elle fut rarement heureuse. Pendant des journées entières, je l'ai écoutée, j'ai suivi ses incohérences, j'ai souffert et en même temps je l'ai découverte. Sur ma mère a été écrit à partir des fragments de souvenirs qu'elle m'a livrés. Ils m'ont permis de reconstituer sa vie dans la vieille médina de Fès des années trente et quarante, d'imaginer ses moments de joie, de deviner ses frustrations. Chaque fois, j'ai inventé ses émotions et j'ai dû lire ou plutôt traduire ses silences.
Sur ma mère est un vrai roman car il est le récit d'une vie dont je ne connaissais rien, ou presque. » Tahar Ben Jelloun
Biographie Après avoir fréquenté une école primaire bilingue arabo-francophone, il étudie au lycée français de Tanger jusqu'à l'âge de dix-huit ans, puis fait des études de philosophie à l'université Mohammed-V de Rabat, où il écrit ses premiers poèmes — recueillis dans Hommes sous linceul de silence (1971). Il enseigne ensuite la philosophie au Maroc. Mais, en 1971, suite à l'arabisation de l'enseignement de la philosophie, il doit partir pour la France, n'étant pas formé pour la pédagogie en arabe. Il s'installe à Paris pour poursuivre ses études de psychologie. À partir de 1972, il écrit de nombreux articles pour le quotidien Le Monde. En 1975, il obtient un doctorat de psychiatrie sociale. Son écriture profitera d'ailleurs de son expérience de psychothérapeute (La Réclusion solitaire, 1976). En 1985, il publie le roman L'Enfant de sable qui le rend célèbre. Il obtient le prix Goncourt en 1987 pour La Nuit sacrée, une suite à L'Enfant de sable. Tahar Ben Jelloun vit actuellement à Paris avec sa femme et ses enfants (Merième, Ismane, Yanis et Amine), pour qui il a écrit plusieurs ouvrages pédagogiques (Le Racisme expliqué à ma fille, 1997). Il est aujourd'hui régulièrement sollicité pour des interventions dans des écoles et Universités Marocaines, françaises et européennes. Wikipédia
Extraits "L'après sbohi, après la deuxième nuit, ma mère, comme toutes les jeunes mariées, a été mise à l'épreuve par sa belle mère: un porteur livra trois aloses, ce poisson migrateur qui remonte le Sebou au printemps, un poisson aux mille et une arrêtes, au goût particulier et connu surtout pour être difficile à préparer. Ma mère retroussa ses manches et s'installa à la cuisine où personne ne devait l'aider. Elle a passé toute la matinée à nettoyer les trois poissons et ensuite les a fait mariner dans une sauce faite de coriandre, de cumin, de piment rouge doux et d'un autre légèrement piquant, d'un peu d'ail, de sel et de poivre. Une partie du poisson en tajine, et une autre frite dans une huile légère. Vers une heure de l'après-midi, les deux plats furent mis dans un tbak et envoyés à la belle-famille. Le tout accompagné d'un grand plateau de dattes dites " dattes ignorées" et d'une corbeille de fruits de saison. Ce jour-là, ma mère ne mangea pas. Pas d'appétit. Elle attendait le retour des plats. Vers la fin de l'après-midi, une négafat entra à la maison en chantant l'appel du Prophète suivi de youyous. Les plats étaient revenus avec des cadeaux. Enfin, ma mère avait réussi son examen."
José Cruz Herrera(1890-1972), La Madre
"Il y aura des rêves entêtés, obsédants, cruels. Je la reverrai jeune et belle, je la reverrai enceinte de moi dans la chaleur de l'été fassi, je la reverrai à Sidi Harazem, alors que je suis encore bébé, accroché à ses seins, je la verrai au printemps d'Ifrane chez ma tante, légère, heureuse, insouciante. Ces rêves, je les attends et je serai triste au réveil, parce que ma mère ne sera pas là. Je serai l'enfant inconsolé, celui que l'école ennuie et qui préfère l'intimité des femmes et les fêtes des après-midi à la maison. J'irai me réfugier dans le sous-sol, entre les jarres des provisions, et je lui ferai peur. Je sortirai de là en criant ma joie d'avoir réussi à l'effrayer. Je l'apercevrai dans la foule et elle ne me reconnaîtra pas. Je me réveillerai en sursaut et j'appellerai au secours. J'irai sur la terrasse de notre première maison à Tanger et je regarderai la mer à ses côtés. Je lui parlerai et elle ne m'entendra pas. Je lui dirai qu'elle me manque et elle laissera le vent démêler sa chevelure et lui cacher les yeux. Elle n'essaiera pas de refuser le vent. Elle se retournera et partira en voyage, avec le vent." FolioTahar Ben Jelloun parle de son romanSur ma mère