En Afrique, quelques gouttes d'eau suffisent parfois à redonner espoir. À la Briqueterie, l'un des quartiers les plus pauvres de Yaoundé, situé sur les hauteurs de la capitale camerounaise, cet espoir se résume à trois petites «bornes-fontaines». Réparties le long de la colline escarpée, gardées nuit et jour par un habitant élu par ses voisins, elles permettent aux résidants de venir s'approvisionner en eau. Le prix est fixé à 10 francs CFA (1,5 centime) pour 10 litres. Le gardien note scrupuleusement sur un cahier les quantités attribuées et paye, chaque mois, les services de l'urbanisme. Tout n'est pas parfait, loin s'en faut: inaugurée il y a un an, l'une de ces bornes fonctionne à peine et ne déverse qu'un mince filet d'eau. Mais, surtout, «le vent qui circule dans les tuyaux fait tourner le compteur même quand on ne consomme rien et cela augmente les factures...» , assurent en chœur les trois gardiens.
Cette eau, il est désormais possible d'aller la chercher en gardant ses pieds au sec : il y a un an également, les principales ruelles du quartier ont été pavées. Autrefois taudis insalubre et boueux, réputé pour sa dangerosité, la Briqueterie offre désormais un visage plus accueillant même si en ce début de printemps l'épidémie de choléra y fait des ravages.
Fontaines, pavés, éclairage... ces petits riens sont issus d'un C2D – contrat de désendettement et de développement – terme technique pour désigner une méthode originale d'aide aux pays les plus pauvres.
Le C2D consiste pour le bailleur – la France en l'occurrence – à transformer une créance en investissement: le pays endetté rembourse une partie de ce qu'il doit et en échange cette somme est immédiatement réinvestie dans des infrastructures locales. Depuis 2006, le Cameroun a bénéficié de 537 millions d'euros de C2D. C'est le plus important programme géré par l'Agence française de développement (AFD). Un tiers de ces fonds a été consacré spécifiquement à l'urbanisme et aux infrastructures routières. Une manière d'améliorer, par petites touches, le quotidien des habitants, dans un pays où à peine 30% de la population des villes et 15% des campagnes ont accès à l'eau potable.
L'AFD s'apprête à signer dans les prochaines semaines la deuxième vague de C2D avec le Cameroun, pour 326 millions d'euros destinés à l'agriculture mais aussi à la formation professionnelle. Deux axes majeurs de la politique de l'agence impulsée par son nouveau directeur: «il faut favoriser la modernisation de l'agriculture africaine et aider les pays de ce continent à mettre en place des politiques de croissance véritablement créatrices d'emplois, ce qui implique une formation adaptée pour les habitants», explique Dov Zerah.
Un enjeu vital
Pour le Cameroun, l'enjeu est vital. En anticipant 3% de croissance cette année, après 2,6% en 2010 et 2009, ce pays de 20 millions d'habitants gagne à peine de quoi couvrir sa croissance démographique. Avec un taux de pauvreté de 40 %, une économie informelle représentant plus de 50% du PIB et une corruption endémique, le Cameroun, dirigé depuis 1982 par Paul Biya – candidat à sa propre succession à l'automne prochain – ne peut plus se permettre de rater le coche de la croissance qui gagne le reste de l'Afrique. Le gouvernement s'est fixé l'objectif ambitieux d'une croissance de 5,5% en moyenne entre 2010 et 2020.
D'où la nécessité d'investir en infrastructures énergétiques pour assurer le développement industriel et améliorer au plus vite les conditions de vie locales. Faute d'y parvenir, les troubles sociaux pourraient surgir, sur une population de plus en plus à cran et qui a le sentiment de perdre la maîtrise de son économie. À Yaoundé, les Chinois sont très présents. Mais ils ne fabriquent pas seulement des usines et des barrages: ils vendent, dans la rue des beignets et des chaussures en caoutchouc... moins cher que les Camerounais!