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Lecture (Thriller):

Par Ananda

Belinda Bauer : « Sous les bruyères », éditions 10/18,  2010.

Avec ce livre, Belinda BAUER signe son tout premier roman, roman qui s’est vu, d’emblée, gratifié du prestigieux Crime Writers Association Gold Dagger Award 2010.

Et l’on comprend sans peine pourquoi lorsqu’on le lit :c’est un petit bijou !

Dans un style efficace, enlevé, très maîtrisé et cependant dense et poétique, la romancière anglaise prend le prétexte du thriller pour nous brosser deux magnifiques portraits, l’un psychologique, celui d’un préadolescent mal aimé et confronté à un deuil familial impossible particulièrement lourd, l’autre « environnemental », celui de la lande anglaise dont elle fait un lieu obsédant, omniprésent et, en fin de compte, quasiment hypnotique.

« Exmoor, ses fougères sales, ses herbes rêches, sans couleur, ses ajoncs piquants, et la bruyère de l’an passé, si noire qu’on croirait le paysage ravagé par un feu humide qui aurait emporté les arbres, laissant la lande glacée, exposée solitaire à l’hiver, sans protection ».

« Sans protection » l’un et l’autre, aussi ingrats et désespérément solitaires l’un que l’autre, l’espace mythique de la lande et l’âme de ce pauvre gamin névrosé et entraîné vers de sombres méandres autodestructeurs.  Les deux portraits sont saisissants. L’atmosphère, presque shakespearienne.

Avec un zeste de Camus.

Une tragédie du Destin qui est, aussi, drame de l’absurde.

Un enfant, seul, face à la Mort. Disséqué, de façon très fine. Englué dans la bruine, dans la tourbe où il ne cesse de fouiller, de fouailler. Pour s’extirper de son mal-être.

Cet enfant est un peu Sisyphe. Comme tous les damnés, il attend, pathétique, un bout du tunnel.

Mais « La brume jette un doute sur tout ».

Il veut attirer l’attention. Et pour cela, il est prêt à tout. C'est qu'il fait partie tout bonnement de ceux-là qui n’ont plus rien à perdre.

Ce personnage poignant nous remue.

La dimension presque cosmique que l’auteure parvient à lui donner, au travers de ce qu’elle dépeint de son corps à corps avec cette lande douée d’une vie propre, d’une sorte de pouvoir de dissolution maléfique, a quelque chose d’envoûtant.

Comment ne pas céder au charme létal de la lande tourbeuse, où « le simple fait d’être là, de sentir la bruyère humide par-dessus la terre moite » procure une dangereuse « ivresse » à même de « faire perdre la tête » ? Et comment se soustraire à celui, tout aussi vénéneux, de l’abîme dont Nietzsche disait qu’il ne faut pas le regarder si l’on ne veut pas qu’il vous regarde ?

Et le drame se noue. Inexorable. Implacable. « Le regard du garçon se perd  sur  la lande, dans la direction où Shipcott se dissimule dans la brume. On ne distingue pas même le clocher de l’église, et il se sent très seul, soudain ». « La roue de la fortune tourne à une vitesse  vertigineuse, et fait peser sur les os solitaires d’un petit enfant le poids étouffant de la tourbe glaciale ».

Je ne vous en dirai pas plus.

L’aspect thriller est secondaire.

On entre dans ce livre comme dans la brume. Pour en ressortir, c’est une autre affaire.

Je ne peux que le recommander à ceux qui aiment ce genre de littérature.

P.Laranco


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