Magazine Humeur

Divin bâtard

Publié le 15 mai 2011 par Jlhuss

ulysse.1305326724.jpg

On pourra dire à sa décharge : « Bon, d’accord, c’est une brute, mais avouez qu’il n’a pas eu de chance au départ. » Le départ, comme toujours, c’est un jet séminal de plus ou moins bon fond, partant d’une intention plus ou moins bonne et qui tombe plus ou moins bien. Ensuite il y a, comme on dit, le contexte socio-culturel : après l’inné, l’acquis.

L’inné, s’agissant d’Héraclès, c’est le croisement des gènes de Zeus et de ceux d’Alcmène. Zeus est un baiseur forcené prêt aux coups les plus tordus pour ensemencer tout ce qui bouge : se déguiser en cygne, en taureau, en pluie d’or, ou, comme ici, prendre l’apparence du mari pour le faire cocu chez lui en son absence. Alcmène croit son homme à la guerre, or soudain crac ! le voilà dans son lit, lui faisant l’amour comme un dieu. Ça l’étonne un brin, mais ce qui est pris est pris, elle ne boude pas son plaisir.

Une double nuit câline qui fera bien des histoires. Retour de guerre, Amphitryon apprend qu’on l’a doublé, voit rouge, veut cramer l’infidèle. Quant à la femme de Zeus, Héra, on sait le plus gros de son activité : punir les maîtresses de son cavaleur. Contre Alcmène, le mieux lui semble de nuire au divin bâtard, comme de retarder son accouchement pour lui ôter le droit au trône, envoyer des serpents pour étouffer le bébé au berceau. Bref, ça commence assez mal pour le petit, ça justifie qu’il prenne des forces, tète comme un veau, braille comme un porc.

Du côté de la finesse, et malgré les leçons du centaure,  ça ne s’arrange pas avec l’âge : Héraclès, élève, tue son maître Licos à coups de tabouret ; ado, il baise en une nuit toutes les filles de son hôte Thespios ; jeune homme, il tue un lion ravageur -très bien- mais tue aussi sa première femme, Megara, récompense de l’exploit, après lui avoir fait quatre ou cinq mômes, qu’il zigouille également sur un coup de sang : il faudra douze « travaux » pour laver la faute.

« Ah ! les douze travaux, vous voyez bien, quand même ! Douze bienfaits, douze exploits généreux, cette fois, non ? » Si vous y tenez. Terrasser sous une peau de lion un sanglier fou, des oiseaux carnivores, une hydre à mille têtes , moi, ça me laisse froid ; voler une ceinture dorée et des pommes d’or ? c’est tout ce qu’on attend d’une petite frappe ; laver des écuries en détournant un fleuve ? un fantasme de palefrenier mégalo, et cetera.

Ensuite, des guerres et des guerres, toujours du sang, du stupre ; et quand enfin on croit que le Rambo tout muscles va se poser, se civiliser avec la douce Déjanire, paf ! il la trompe avec la  petite Iole, qu’il prend contre son gré et contre l’avis du papa. Déjanire bafouée ressort une vieille tunique qu’elle croit philtrée d’amour fidèle, et la lui offre pour le ramener dans le devoir, mais voilà le mari qui brûle jusqu’à l’os, tombe en cendres. L’épouse, tout compte fait, se pend de chagrin. Elle ne sait pas bien ce qu’elle veut, comme parfois les femmes : on dénigre les brutes et on en raffole.

Héraclès, croyez-moi, c’est tout ce que la Grèce au fond méprise : la démesure, la perte du contrôle, le triomphe de l’instinct, le gros titre permanent dans les faits divers. C’est le contre-modèle des sages, le héros-repoussoir des modérés, l’homme à ne pas être si l’on veut être humain. Evidemment, ensuite, comme il a des relations en haut lieu, le demi-dieu sans cervelle retombera sur ses pieds, on le mettra en statues, en amulettes ; il aura ses cultes, ses fêtes ; on le vénèrera à droite, à gauche. Qu’est-ce que ça prouve ? Moi, je vous le dis : ce gars-là n’est pas pour nous.

Arion


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jlhuss 148 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines