Comme nous l’avons vu dans l’épisode précédent, Cabourg c’est la Promenade Marcel Prous tc’est-à-dire le bord de la plage et les longues balades aller et retour qu’on y fait à longueur de journées. La première impression peut être terne - je parle des mois de printemps car je ne me suis jamais risqué dans la cité en juillet et août où j’imagine que la foule est plus dense, ce qui a mes yeux discrédite toute envie d’y mettre les pieds - mais il faut savoir combattre ses premières sensations parfois.
Une longue plage de sable quasiment déserte de monde, une mer toujours calme quand je suis de passage d’où des vagues modestes qui s’échouent langoureusement sur le sable. Mêmes les mouettes ne se font pas nombreuses et restent discrètes, quelques groupes à marée basse qui picorent à la lisière de l’eau et de la terre ; pour preuve de leur quasi absence, les toits des maisons ne sont pas maculés des traces blanchâtres habituelles dans les ports de pêche, par exemple. L’oiseau marin ne vit pas à Cabourg, il y passe. Un peu comme la majorité de ses habitants semblerait-il quand je constate la quantité impressionnante de logements ou maisons fermés. Parfois des immeubles entiers paraissent inhabités ! Pour en revenir aux oiseaux, un sujet qui m’est cher, quelques mouettes donc, des cormorans aussi près de l’estuaire de la Dives où le limon et le flux marin sont plus propices à leur alimentation. Les seuls volatiles réellement en grand nombre, ce sont les merles et les moineaux auxquels j’ajouterai quelques pies et tourterelles mais à peine.
Sur la plage, toujours aux époques où je fréquente l’endroit, quelques inconditionnels du bronzage, des enfants en bas âge qui barbotent dans les flaques sous le regard des parents attendris mais jamais de baigneurs, l’eau étant trop froide. A marée basse, les pêcheurs de crevettes s’activent dans les vagues, poussant leur filet comme les techniciennes de surface leur balai-éponge. De la Promenade, nous autres vieux assis sur les bancs, les contemplons d’un œil amusé, tandis que de l’autre nous lorgnons un couple de jeunes amoureux se bécotant à pleine bouche accotés à la rambarde de pierre.
Le plus souvent pourtant, le paysage seul suffit à mon bonheur simple. Couleurs changeantes de l’eau et du ciel, alternance de plein soleil et de nuages blancs créant des ombres mystérieuses sur les flots, curiosité éveillée par une voile ou un petit bateau qui passe à l’horizon. Une douce brise agite les drapeaux en haut de leurs mâts plantés sur la Promenade, juste assez forte pour que l’effet esthétique soit parfait.
Mais le fin du fin, ce que je recherche avec impatience, c’est la sortie du matin le long de la plage avec l’espoir de voir des chevaux courir surla grève. Ilsentrent sur la plage par l’extrémité dela Promenade MarcelProust– vers Ouistreham – le plus souvent des chevaux attelés d’un sulky, mais parfois enfourchés simplement d’un cavalier, pour de longues chevauchées sur le sable humide et dur de la plage ou bien dans les premières vagues pour se muscler les pattes. Le spectacle est magnifique, les bêtes sont superbes lancées dans un trot régulier sans excès de vitesse. Tout le monde les regarde passer, comme on ne peut s’empêcher d’admirer une Ferrari qui circule en ville même quand on n’est pas connaisseur ; la beauté pure n’a que faire des mots ou des appréciations, elle est, c’est tout. Plusieurs allers-retours sur la plage et les purs sangs rejoindront leurs écuries, sans un regard sur nous, la piétaille des badauds admiratifs.Cette année j’ai été gâté, chaque matin de beaux bourrins ont satisfait mes souhaits de la nuit.