Lors de ma visite des (impressionnants) nouveaux locaux de Net-a-Porter & Mr Porter, j’ai pu discuter un moment avec Toby Bateman, actuel directeur des achats de MRPORTER.COM, qui occupait précédemment le même poste chez Selfridges, l’immense department store londonien.
J’ai également pu interviewer Jeremy Langmead, éditeur en chef de MRPORTER.COM, ancien chef de la rédac de Wallpaper et Esquire, dont vous pouvez retrouver l’interview sur www.handsomemade.com.
Modissimo: Décririez-vous Mr Porter comme un ‘magazine où il est possible d’acheter’ ou un ‘magasin en ligne avec un magazine’ ?
Toby Bateman: Je le décrirais comme un magasin en ligne avec un magazine, si vous posez la même question à Jérémy (Langmead, Editeur en chef de Mr Porter) il dira surement le contraire. Et si vous demandez à Nathalie (Massenet, fondatrice de Net-a-porter Ltd) elle vous dira surement que pour elle c’est les deux. (Rires) Mais la première raison pour laquelle nous sommes là c’est parce que c’est un magasin en ligne, que nous faisons évidemment fusionner avec du contenu éditorial, et il semble que nos clients apprécient. Présenter le produit comme nous le faisons et en même temps lui donner vie dans notre magazine hebdomadaire, c’est ce qui donne envie aux gens de venir fréquemment sur le site et, espérons, c’est ce qui leur donne envie d’acheter ces produits. A travers le contenu éditorial nous pouvons parler des détails, de la qualité, les aider avec la manière de porter ce produit. Et le fait que cela change toutes les semaines est fantastique, les gens reviennent sur le site de manière régulière et fréquente. Parce que quand vous avez une boutique sur Bond Street ou Oxford Street, vos clients ne viennent que quelque fois par an et non pas toutes les semaines voire tous les jours comme c’est le cas pour nous.
M: Qu’est ce qui vous a poussé à quitter Selfridges pour rejoindre l’équipe Mr Porter ?
T.B. : C’était une opportunité fabuleuse, j’ai pu constater ce qu’avait fait Net-A-Porter du côté féminin, c’était quelque chose de vraiment novateur pour la mode 2.0. J’ai rencontré Nathalie, par hasard, à Milan l’an dernier. On a discuté, elle est très intelligente, très créative et charmante, on s’est bien entendus et on en est venus à parler de Mr Porter. Puis, tu sais, ça faisait 15 ans que je travaillais dans les departements stores, pas que je n’aimais pas ça, je travaillais pour une entreprise formidable mais c’était une opportunité unique. Mr Porter est ultra novateur pour le côté masculin de la mode, un site global, bien conçu, avec une équipe de pros aux commandes, des fonctionnalités brillantes et un magazine hebdomadaire, il n’y a rien d’équivalent sur le marché à présent.
M: A propos de votre sélection, qui est très variée, qu’est ce que vous faites différemment quand vous choisissez des vêtements chez Ralph Lauren et des pièces Balmain, qui sont des produits totalement différents ?
T.B. : Nous avons une idée assez claire de qui est le client Mr Porter et quand nous sommes chez Balmain ou Ralph Lauren nous sélectionnons des produits qui lui ressemblent le plus possible, des produits qu’il aimera. Cet homme Mr Porter aime le style, plus que la mode, et c’est vraiment le message de MrPorter.com. Nous essayons d’avoir une sélection assez contemporaine, et pour une marque comme Ralph Lauren on veut montrer aux gens une façon moins évidente de porter du Ralph Lauren. Une façon qui serait différente de celle qu’ils pourraient voir, et ne pas apprécier, dans les grands magasins. Par exemple, nous évitons d’acheter quoique ce soit avec de gros logos, vous ne verrez donc pas ces polos Ralph Lauren avec le gros poney sur la poitrine parce que ce n’est pas notre tasse de thé et que nous pensons que le client Mr Porter n’apprécie guère autant. Ca ne lui pose pas de problème d’avoir des initiales ou un petit logo sur la poitrine mais quand il fait 15 centimètres de haut c’est une autre histoire. (Rires)
Quant à ce qui est plus ‘high fashion’, comme Balmain ou Givenchy, nous présentons les produits comme nous pensons que nos clients vont les apprécier, ils ne veulent pas nécessairement les porter comme sur les podiums, ni comme certains magasins spécialisés les mettent en scène. Nous pensons qu’il y a des gens qui ne sont pas passionnés par la mode pure et dure mais qui apprécient de porter un blouson Balmain ou un pantalon Givenchy. C’est pour ça qu’il est important pour nous de présenter des pièces venant de ces créateurs.
M: Comment achetez-vous ? Vous essayez d’anticiper les futures tendances même si vous avez cette idée solide du client Mr Porter ?
T.B. : Bien sur que nous parlons des tendances, que nous voyons aux défilés surtout. Nous allons, avec Jeremy et Dan (May, directeur style) à presque tous les défilés, et après, dans la voiture nous parlons de ce que nous venons de voir, des tendances qui semblent émerger et si elles peuvent correspondre à l’esprit Mr Porter.
M: En tout cas, vous anticipez mes questions, j’allais vous demander si vous alliez aux défilés.
T.B. : Nous allons à tous les défilés à Milan et Paris, enfin quand je dis ‘tous’, disons qu’on essaie d’en faire le plus possible. Malheureusement nous n’avons pas fait New York cette saison car c’était en même temps que l’ouverture du site. Nous avons fait Londres, le Pitti, je suis allé à Copenhague également. On essaie de bouger le plus possible.
M: Vous proposez des grandes marques comme Lanvin ou Gucci et des marques spécialisées comme Incotex ou Valextra, pensez vous que les hommes sont friands de nouveaux/jeunes designers ?
T.B. : Oui, je le pense vraiment. Ce qui est fabuleux avec les hommes, c’est qu’ils sont plus intéressés par la force du produit que par le nom du designer qui les fabrique. C’est une des choses que nous essayons vraiment de réaliser sur MrPorter.com. Quand nous photographions une chemise Gucci, on va l’associer à un jean Rag & Bone et à une paire de Quoddy par exemple. Si l’ensemble a de l’allure les hommes vont aimer. Un client pourra être en train de regarder la photo parce qu’il a vu une chemise Gucci et parce qu’il est attiré par cette chemise Gucci, mais nous constatons qu’il pourra très bien acheter la paire de Quoddy de cette photo alors qu’il n’aurait jamais pensé en acheter un jour car présentées seules, il ne les trouvait pas à son goût. C’est ce que nos clients apprécient, le mélange de marques.
Quant aux nouveaux designers, ou jeunes designers, Incotex est un bon exemple. Evidemment ce n’est pas une nouvelle marque mais ce n’est pas un nom très connu en dehors de l’industrie. Mais ils proposent des produits exceptionnels, ils font tout simplement les meilleurs chinos, nous l’expliquons bien sur le site, et je pense que les hommes aiment découvrir des choses nouvelles. Nous avons eu le même phénomène avec les bijoux Luis Morais qui là aussi est une marque méconnue mais qui a été parmi les premiers produits à s’être vendu dès l’ouverture du site.
La saison prochaine nous aurons de plus en plus de nouveaux designers.
M: Vous vous rendez à des salons pour dénicher ces nouveaux designers ?
T.B. : Oui, Capsule, Rendez vous et Tranoi à Paris, les équivalents de certains à New York. Je suis allé à Gallery à Copenhague également pour voir comment ça se passait du côté scandinave.
M: Comment est organisée votre équipe ? Combien de personnes s’occupent de l’achat ?
T.B. : Actuellement nous avons deux acheteurs, ils ont chacun un assistant et des coordinateurs sur le terrain. Ils se partagent les taches, un s’occupe des créateurs, des chaussures et des costumes, l’autre s’occupe de la partie contemporaine et des accessoires.
M: Quels sont les designers que vous appréciez le plus en ce moment ?
T.B. : Hum, c’est difficile, parlons plutôt des défilés que j’ai le plus apprécié la saison dernière, ce sera plus simple. Un des mes favoris était Junya Watanabe, j’ai trouvé ça super d’utiliser la musique de Love Story et toutes ces références seventies avec les tweeds et les velours, très Mr Porter en fait. Margiela était également très solide cette saison, ils ont fait un très bon défilé. Une des choses que j’aime chez Margiela c’est que c’est très raffiné avec de supers détails. Vous pouvez avoir de l’allure sans vous casser la tête ou donner l’impression d’en faire trop.
Ci-dessous, quelques clichés des superbes bureaux de Net-a-porter et de Mr. Porter.