Et pourtant, tel une bagarre au hockey, on ne détourne pas facilement les yeux. On est même sombrement attiré par la chose. On tend l'oeil, l'oreille.
Pour ma part, outre cette fois où j'ai fermé la télévision car les larmes me perlaient sur les joues à la confirmation de ce que j'avais cru comprendre (Ces enfants qui hurlaient "Non papa!" et qui s'entendaient mourir l'un et l'autre...) je lis pas mal toujours sur le sujet.
Il y a fascination parce qu'on s'y reconnaît affreusement. Et comme un film d'horreur qu'on voudrait revisiter, on se pose l'horrible question "aurais-je pu?...".
Heureusement non.
Mais j'ai comme l'impression que Guy Turcotte, deux mois avant les affreux évènements qui scelleront le reste de ses jours, aurait répondu la même chose à cette question. "Tuer mes enfants? jamais."
Dérape en générale, contrôlée. Un mot blessant, un cri, une poussée peut-être, une baffe, une tape.
Turcotte, plus fragile, ne contrôlait plus rien le 20 février 2009.
Un homme c'est souvent platement binaire.
Ce qui est hyper dramatique dans cette histoire c'est qu'elle est arrivée à des gens qui avaient tout, en surface, pour être heureux, pour être des modèles même aux yeux de certains. Ce qui confirme aussi que la différence entre le clochard qui marche tout croche sur la rue sans tenir compte de ce qui l'entoure et l'employé modèle (mais secrètement en détresse) qui s'investit corps et âme dans son travail peut aussi n'être que visuelle.
C'est là que les frissons ne sont pas bons. Font franchement peur.
J'ai eu ma part de petites déprimes depuis une semaine. Rien de grave mais de gros trous abyssales au creux de la poitrine, quelques larmes de rage aussi. Des larmes chaudes sur les joues de l'irlandais (curieusement) à jeun.
Comme a dit Duceppe cette semaine, "si tu acceptes la victoire, tu dois aussi accepter sa contrepartie". J'ai eu une succession d'échecs en 7 jours assez impressionnante.
Moi qui dort déjà peu, j'ai collé trois nuits blanches qui ont culminé en un vendredi hyper difficile. C'était comme si sous ma paupière mon oeil refusait de ne pas voir. De ne pas tomber en Rapid Eye Movement. Je me suis levé chaque jour plus fragile que le précédent. (C'était mon châtiment pour avoir écrit "I have a fabulous life")
Chaque fois, je me suis dit "T'as pas le droit de te plaindre, y a pire. T'aurais pu tout perdre en habitant St-Jean-Sur-Le-Richilieu, t'aurais pu vivre dans un pays en guerre, t'aurais pu perdre deux de tes amours comme la famille Boisvenu...ou comme Isabelle Gaston..."
Comment Isabelle Gaston fait pour tenir avec bien pire à encaisser?...
Tout le contraire de Turcotte qui a prouvé son animalité.
J'écoute ce qu'on me raconte de Guy Turcotte comme on goûterais une mauvaise assiette qu'on serait "forcé" de finir.
Pour que les voix humaines soient toujours humaines
et ne soient jamais des échos du corridor de la folie.