Alors que l’on célèbre le 10ème anniversaire de cette loi essentielle, encore aujourd’hui attaquée, Christiane Taubira revient sur ce texte qu’elle a porté, instituant la traite négrière et l’esclavage "Crime contre l’humanité".
La députée de Guyane évoque également l’année consacrée aux Outre-mer par le gouvernement.
Extraits du texte intégral :
Pourquoi une loi ?
Les débats qui ont eu lieu alors permettaient d’exprimer collectivement une souffrance, mais ils n’apportaient pas de réponse. Le crime n’était pas nommé. Il fallait lui donner un nom et un statut, et pour cela, il n’y a que la loi. Il se trouve que j’étais en situation de le faire. La version initiale de votre loi a du être modifiée avant qu’elle ne soit votée.
Certains aspects importants qui y figuraient ont été supprimés notamment l’examen "des conditions de réparation due au titre de ce crime" et la condamnation de ceux qui, par voie de presse, contesteraient que la traite négrière et l’esclavage furent un crime contre l’humanité. Cela n’a t-il pas atténué la portée et l’impact que vous vouliez donner à votre loi ?
Évidemment, sauf que tous ceux qui aujourd’hui bavardent, analysent, conseillent, furent silencieux durant les deux années et demi de navette parlementaire. Ayant déjà l’habitude d’aller dans des réunions d’associations, des manifestations en banlieue, je n’ai cessé d’inviter les uns et les autres à manifester leur attachement à cette proposition de loi pour que les autorités comprennent que cette cause était la leur. J’ai proposé d’envoyer même de simples cartes postales à l’Elysée et à Matignon, d’envoyer des mails. Personne aujourd’hui n’est en mesure de prouver qu’il a organisé la moindre démarche. J’ai proposé des invitations pour assister aux débats. Personne. Le seul public présent était composé des neuf jeunes que j’ai fait venir à mes frais de Guyane, des jeunes amérindien, bushinengué, créole et guyanais d’origine haïtienne, chinoise, brésilienne, surinamienne, européenne. Je les ai appelés "la chaîne de fraternité" et je les ai salués depuis la tribune. À part cela, deux avocats et un universitaire de Paris qui m’avaient demandé des invitations étaient présents. Personne des grands chroniqueurs d’aujourd’hui, professionnels ou associatifs.
2011 marque le dixième anniversaire de votre loi. C’est aussi officiellement l’année des Outre-mer en France. Quel regard portez-vous sur cet événement ?
Il est marqué par des discours officiels assimilationnistes. Ce n’est même pas de la stratégie, mais de la simple tactique : il n’y a aucune réflexion sur ce que sont les Outre-mer ni sur ce qu’ils désirent.
Source(s) : Afriscope n° 21 - Ousmane Ndiaye / Ayoko Mensah