Cher Louis
Merci pour ta sympathique recension, et de l’avoir insérée dans la suite des efforts québécois pour penser. Penser, et surtout écrire, est fort exigeant, mais combien épanouissant. J’en fais l'une des vertus du philosophe.Je suis évidemment déçu d'apprendre que mon essai ne t’a pas convaincu de l’importance primordiale de l’éthique des vertus. Si je t’ai bien compris, c’est la démocratie qui reste, pour toi comme bon nombre d’entre nous, l’indépassable, de telle sorte que, bien évidemment, le libéralisme de Rawls reste indépassable. C'est aussi ce dogme inébranlable envers la démocratie qui me permet de comprendre ton soutien inébranlable à l'endroit du fameux cours d'Éthique et de culutre religieuse.
Il me faut donc te convaincre que la démocratie est dépassable. Or, sur ce point, la réalité nous a rattrapé le 2 mai dernier démontrant clairement que la règle de la majorité ne réprésente pas du tout «la volonté générale». Par ailleurs, il y a toujours le fameux paradoxe de la démocratie mis en évidence par Richard Wollheim qui attend toujours une réponse (voir mon précédent billet). Puis enfin, il y a Socrate, Platon et Aristote qui ne prisaient pas particulièrement la démocratie. À cet égard, un préjugé tenace circule à l'endroit en particulier d'Aristote qui faisait de la démocratie un régime «déviant», contre-nature. Pas étonnant que rares sont ceux et celles qui s'intéressent encore aujourd'hui aux Politiques; elles n'ont plus qu'un intérêt historique. Comme je le raconte dans le dernier chapitre de mon ouvrage, c'est Hobbes qui jetta le discrédit sur la pensée politique d'Aristote, et je montre également que les critiques virulentes de l'auteur du Léviathan tombent à plat. Penser est exigeant puisqu’il nous force à remettre en question ce que nous prenons pour acquis. C'est la première vertu du philosophe.
Un dernier mot sur le choix des qualificatifs qui termine ta recension qui ne sont pas anodins. «Original et ambitieux», écris-tu. Ce sont bien là des qualités «libérales», mettant l'accent sur l'individualité, mais certainement pas sur des vertus telles la sagesse, la courage, la responsabilité et la véracité.