Une fois que le désir d’un film est né en moi, difficile de le refermer d’un claquement de doigts, et me voici donc à me diriger vers la salle de la rue Champollion sans une Élo qui m’incendiera le lendemain en apprenant que j’étais la veille allé voir le film de MacKendrick sans elle…
Une fois de plus, c’est dans la salle rouge que je me retrouve quand j’étais sûr de me retrouver dans la bleue que j’affectionne plus. Zut. Ce qui m’embête plus, c’est ce couple assis deux rangs devant moi avec ses deux enfants, une famille dont le père est vulgairement bruyant avant que le film ne commence, me donnant une bonne sueur froide quant à la possibilité qu’il nous perturbe la projection. Ce qu’il fera par à-coups en trifouillant un sac plastique sans grand ménagement pour les camarades de salle que nous étions, quoi qu’à certains moments je me demandais si la cinémaniaque du premier rang n’en faisait pas autant, du bruit.
De ce récit, on aurait pu attendre un film d’aventures familial cocasse, gentil et grand public. Pourtant Cyclone à la Jamaïque nous entraîne sur un terrain plus ambitieux, plus risqué, plus emballant. Si MacKendrick situe bien le regard à hauteur d’enfant, il choisit comme personnage central une préadolescente ne se contentant pas de tenir tête aux pirates. Elle convoie une force de caractère qui mêle l’insouciance de l’enfance et sa cruauté. Le terme « cruauté » est peut-être trop fort, mais MacKendrick ne choisit pas de poser un regard tendre et insouciant sur l’enfance. L’enfance qu’il dépeint a dans son insouciance un aspect abrupt qui confère parfois à une dureté atténuée. Chez MacKendrick, le film de pirates en costume apporte un regard incroyablement moderne sur l’enfance, balayant les conventions, cherchant à le regarder avec une sincérité et une vérité confondantes.
Cette aventure des mers se teinte d’amertume quand tant d’autres films du genre se seraient certainement contentés de la joie. Anthony Quinn était un acteur qui ne m’avait jamais vraiment tapé dans l’œil, mais sa performance en pirate régénéré par l’enfance sied à merveille au film, autant que l’étonnante Deborah Baxter, sa jeune partenaire. Jusqu’ici, Alexander MacKendrick n’était pour moi que le réalisateur de Tueurs de Dames, la comédie british avec Alec Guiness et Peter Sellers. Désormais il sera également celui qui a déjoué les codes du film de pirates. Chapeau.