La sortie de Wauquiez
Lundi, le Monarque s'interrogeait. Quelle mouche avait donc piquer Laurent Wauquiez, son ancien porte-parole de gouvernement (2007), secrétaire d'Etat à l'Emploi (2008), responsable de l'élaboration du projet UMP jusqu'en 2010, et actuellement ministre des affaires européennes ? Ce dernier avait cru bien faire. Depuis des mois, Claude Guéant tenait la corde sécuritaire. L'ancien vizir de l'Elysée déroulait tous les tapis rouges aux idées frontistes : réduction de l'immigration légale, fermeture des frontières, islamophobie, etc. Laurent Wauquiez aussi voulait qu'on parle de lui.
Sur RMC, dimanche 8 mai, le jeune ministre et maire du Puy-en-Velais, avait donc lâché trois propositions qu'il voulait fracassantes : (1) limiter l'assurance sociale qu'aux étrangers ayant cotisé au moins cinq ans en France (tout en taxant leurs revenus dès le 4ème mois de leur présence en France), (2) plafonner le montant des minimas sociaux à 75% du SMIC par foyer, (3) imposer 5 heures de travail social hebdomadaire aux bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active .
Le jeune homme anime pourtant un groupe d'une soixantaine de parlementaires autoproclamés « droite sociale ».
Tollé à gauche, évidemment, mais aussi à droite, plus surprenant. Même à l'UMP, le porte-parole Marc-Philippe Daubresse dénonce l'irresponsabilité de son ancien collègue. Martin Hirsch, le père du RSA, qualifie les propositions Wauquiez d'impraticables. Devant les parlementaires UMP mardi matin, François Fillon s'énerve. Jeudi, le sieur Wauquiez récidive dans les colonnes du Progrès, avec cette formule trouvée dans les vieux slogans nauséabonds du Front National version Jean-Marie, 1984 : « Je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas. » On est bien servi.
La stratégie du crabe
Et Nicolas Sarkozy, dans tout ça ? A l'Elysée, on s'est gentiment terré lundi et mardi. On avait mieux à faire. Mardi, dixième journée contre l'esclavage. Sarkozy est en tenue sombre. Il discourt dans le vide, enfonce quelques portes ouvertes (l'esclavage, c'est mal). Rappelez-vous 2007. Sarkozy nous promettait la rupture tous azimuts, et fustigeait notamment la repentance, comme ce 17 avril 2007 : « Ici, on n’aime pas la repentance, cette mode exécrable qui veut faire expier aux fils les fautes supposées de leurs pères. Ici on n’aime pas la repentance qui est un dénigrement systématique de la France et de son histoire.» Le voici aujourd'hui héraut du devoir de mémoire. Le militant sarkozyste des premières heures doit être tout troublé de ce retournement de veste ou de priorité.
Sarkozy ne veut plus cliver plus frontalement. Il avance masqué, ou de biais. C'est la stratégie du crabe. Officiellement, il s'affiche enfin protecteur et rassembleur. Officieusement, il laisse quelques-unes de ses créatures politiques monter au front avec les idées les plus darwinistes. L'affaire Wauquiez n'est finalement rien d'autre que cela.
Mercredi matin, Sarkozy tance son ministre Wauquiez. Un conseiller anonyme confie qu'il aurait hésité à virer le gaffeur.Les jours passent et on a la conviction que l'énervement présidentiel fut en fait bien modeste. Le conseiller anonyme confirme d'ailleurs que le Monarque apprécie l'idée de plafonner la solidarité (requalifiée d'assistanat)... Charles Jaigu, dans le Figaro, confie que Sarkozy, avant l'intervention de Wauquiez, reconnaissait lui-même « devant quelques invités du soir que le RSA est une "déception" parce qu'il "ne remplit pas la fonction" pour laquelle il a été conçu.» Et il justifie : son électorat serait « à cran sur tous les sujets d'assistanat » Quel électorat ? Le Premier cercle du Fouquet's ? Et l'électorat populaire ne serait-il pas surtout à cran des promesses non tenues relatives au plein emploi et au pouvoir d'achat ?
Diviser les pauvres pour mieux régner entre riches ? La tactique est vieille comme la République.
Assistanat des Riches
Toutefois, le story-telling du moment prend mal. On retrouve bien cette vieille recette sarkozyste, provoquer le débat pour mieux imposer son agenda. Vendredi, le Figaro publie le sondage Opinion Way qui va bien, réalisé à la va-vite, avec quelques questions non contextualisées. Les Français seraient ultra-favorables au plafonnement des minimas sociaux... Sans blague ? A-t-on préalablement précisé aux sondés que ces minimas sociaux se cumulent très rarement et pour des situations très particulières comme le handicap, qu'ils sont déduits du maigre montant du RSA ? Non... Sait-on demander pourquoi certaines allocations (familiales par exemple) sont sans condition de ressources ?
Mercredi, François Baroin a bien travaillé. Le conseil des ministres adopte la réforme de l'ISF. Les parlementaires pourront le voter prochainement. Il y avait urgence, celle des riches. Sarkozy veut faire un dernier cadeau aux bénéficiaires de l'iSF : l'échéance de déclaration a été repoussée à septembre (au lieu de juin comme pour le commun des contribuables). Le projet intègre la création d'une imposition des plus-values d'actions des Français expatriés, un l'exonération d'ISF en deça de 1,3 million d'euros de patrimoine, et sa réduction à deux tranches (contre 6). Mais il y a des petites surprises, ou des points méconnus, comme cet allègement de 25 à 12,5% du seuil de détention des biens professionnels pour les exonérer d'ISF. Ou le durcissement, discret, des droits de succession.
Jeudi, Nicolas Sarkozy était en terre agricole. Il n'avait pas grand chose à annoncer sinon son soutien. A 11 mois du premier tour de l'élection, c'est important. Il avait le bon costume, bleu roi, avec une écharpe de circonstance. Il visita suffisamment lentement l'exploitation pour que les envoyés spéciaux le remarquent. Il gouta les gâteaux maisons, but du jus de pomme de la ferme, carressa une ou deux vaches. Il s'offrit un bain de foules. Trois heures plus tard, son hélicoptère présidentiel le ramenait à Paris. « Sarkozy tient sa promesse » titrait GrandLille TV. Quelle promesse ? Celle d'être venu rencontrer Mickaël Poillon, l'agriculteur de l'émission Face aux Français du 11 février dernier. A 11 mois de la fin du mandat, les communicants élyséens en sont à qualifier de promesse politique le simple respect d'un agenda. La Sarkofrance est tombée bien bas.
Vendredi matin, c'était au tour du président de Chasse, Pêche, Nature et Traditions (CPNT), Frédéric Nihous, de recevoir les honneurs du candidat Sarkozy. Ce dernier a besoin, comme pour ses régionales finalement calamiteuses, de tous les soutiens.
Ami sarkozyste, où es-tu ?