Longtemps, j'ai rêvé d'elle

Dans les shetls, ces villages aux confins de l'Europe de l'Est et de ma mémoire, les marieurs, les chadkhan, étaient investis d'un énorme pouvoir : ils savaient trouver l'âme jumelle de chaque individu pour lequel ils étaient missionnés. Ils rencontraient une fille, un garçon, lisaient leur âme puis s'en allaient à travers les rues, les villages les contrées chercher celui ou celle qui était né de la même étincelle. [...] Si la plupart des êtres cherchent leur âme jumelle je suis persuadé qu'ils sont également en quête du roman qui leur est destiné, celui qui leur révélera une vérité sans laquelle ils ne pourront jamais comprendre le sens de leur marche à travers les années. L'oeuvre de leur vie, leur roman lumière.

Jeudi, je n'ai pas pu résister à l'envie de vous donner une citation extraite de ce roman, citation qui vous a pas mal intrigués. Aujourd'hui je vais vous en dire plus sur ce livre qui m'a profondément bouleversée et remuée, comme il a beaucoup remué Géraldine, qui du coup en a fait un livre voyageur, ce dont je ne saurais assez la remercier. 

Deux récits s'entrelacent dans ce roman. D'abord celui de Jonas. Tout commence par des rêves. Le jeune homme rêve d'une femme qu'il ne connaît pas, mais pour qui il éprouve immédiatement un sentiment très fort. D'abord, cette femme lui annonce la mort prochaine de ses parents. C'est du moins ainsi que Jonas interprète les choses, une fois le drame qui le laisse orphelin survenu. Et puis, elle l'encourage à écrire, lui qui n'a pas écrit depuis longtemps. Alors, comme s'il n'attendait que ça, Jonas se jette à corps perdu dans la création littéraire, les mots se bousculent, mus par un élan vital. Pendant ce temps, Lior, de son côté, souffre de n'être jamais aimée par les hommes, et décide, suite à la déception qu'elle estime de trop, de renoncer à l'amour. Elle se réfugie dans le travail, et peu à peu s'isole du monde et du réel. Le seul espace où elle accepte d'entendre parler d'amour, c'est dans les romans. Un jour, elle est engagée comme infirmière pour s'occuper d'une jeune femme de son âge gravement malade, Serena...

Alors, je vais avoir beaucoup de mal à parler de manière cohérente de ce roman, tant il m'a marquée. Mon résumé n'est d'ailleurs pas très alléchant ai-je l'impression, mais il est difficile de ne pas trop en dire, de ne pas aller trop loin. Mais faites-moi confiance, c'est une histoire magnifique. Une histoire d'amour, une histoire de livres, qui m'a envoûtée dès la préface du libraire dont est tirée la citation mise en exergue. Une histoire intrigante, particulièrement bien menée et racontée, dont les personnages m'ont tous touchée au plus haut point. J'avais l'impression d'être à la fois Jonas et Lior, et que c'est l'histoire de mon âme que l'auteur était allé chercher tant chaque mot faisait écho en moi ; en Jonas j'ai reconnu ce roman qui demande à naître en moi, et l'emprise des rêves ; en Lior j'ai reconnu cette tendance à ne plus vouloir être amoureuse car un coup de plus serait fatal. J'ai été émue aux larmes par Serena. J'ai aimé les mots mis sur certains romans, la manière de parler des oeuvres, l'idée que nous cherchons tous notre roman lumière. J'ai été transcendée par cet amour ésotérico-mystique, qui exige une lutte. Et je suis reconnaissante à l'auteur d'avoir écrit une histoire d'âmes jumelles, et de ne pas les confondre avec les âmes soeurs.

Comme Géraldine, je ne dirai pas que j'ai trouvé mon roman lumière parce que je n'ai pas envie, moi non plus, de penser que la quête est terminée. Ce qui est sûr, c'est que je suis sur sa piste, que je suivrai désormais illuminée par cette lecture, et par l'espoir aussi, parce que les histoires d'âmes jumelles ne sont jamais simples à vivre, mais valent la peine qu'on se donne pour elles.

Bien sûr, je ne peux que vous encourager à aller lire l'avis de Géraldine, au cas où vous ne seriez pas encore convaincus de la nécessité de vous précipiter sur ce roman !

Longtemps, j'ai rêvé d'elle