Plusieurs écrivains proches ou issus des favelas proposent plusieurs textes, très courts souvent sur quatre thématiques à savoir la violence, l’enfance, la pauvreté, la police. Nous ne sommes pas dans un exercice de style, à qui va raconter la meilleure histoire ou réussir la meilleure démarcation. On sent dans l’écriture de tous ces auteurs, la nécessité sinon l’urgence de retranscrire une ou des réalités sociologiques, culturelles, économiques de la favela. En enchaînant la lecture de ces différentes chroniques, je constate le caractère sombre, noir et sans issu de la favela. On n’est plus dans les images festives du Brésil dansant. Prostituées, dealers, adolescents, policiers, mères de famille cohabitent dans une logique unique de survie. Pour avoir lu quelques ouvrages d’auteurs ultrapériphériques en France, l’absence de perspectives est assez étonnante, voire lassante quand on est plongé dans la fiction ou micro-fiction. On pourrait penser que c’est un parti pris volontaire dans ce projet. Chez les auteurs français comme Mabrouck Rachedi, Faïza Guène, Wilfrid NSondé ou Joss Doszen, le projet laisse tout de même une perspective positive malgré les embûches nombreuses sur le cheminement qui conduit à la félicité, c’est-à-dire l’intégration économique. Ce n’est pas le cas dans ce texte brésilien qui travaille sur le même substrat, celui des zones de non-droit où règnent maffieux.
La seconde phase de l’ouvrage, la fiction augmentée, est constituée d’une succession d’articles, d’interventions de spécialistes, de juristes, d’anthropologues, de chercheurs. Cette phase permet de comprendre la démarche du livre. Un livre à charge contre l’état brésilien, une dénonciation du système répressif mis en place depuis les dictatures des années 70 et qui délaisse la favela entre les mains des caïds suite à la démission des pouvoirs publics dans ces espaces. On retrouve des références qui deviennent universelles comme le donna (le done jamaïcain). Les mécanismes sont les mêmes. Les rapports entre les populations et les narco-trafiquants tombent sous le sens, et ce qui est dénoncé dans cet ouvrage est la stratégie politique pour contourner ces situations. Le noir reste au centre de cette problématique. La naissance des favelas étant directement liée à l’abolition de l’esclavage au Brésil en 1885.C’est un livre très dur, dont j’ai aimé la conclusion faite par un anthropologue. Il dépasse la question des sous-quartiers (comme dirait Patrice Nganang) brésiliens. Il renvoie aux banlieues françaises, chinoises, indiennes, américaines ou africaines. Et au désir de vivre et d’exister sans devoir subir la culture dominante.Un credo :
Je suis favela, je suis le Quartier, je suis la rue, je suis ouf! Mais avant ça, je suis littérature, et ça il ne peuvent le nier, fermer les yeux, tourner le dos mais on ne bougera pas d'ici tant que s'élèvera un mur social invisible qui divise ce pays.Bonne lecture,Je suis FavelaEditions Anacaona, première parution en 2010, 219 pagesLes auteurs : Victoria Saramago, Ronaldo Bressane, Alexis Peskine, Eric Garault, Marçal Aquino, Joao Luiz Anzanello Carrascoza, Sacolinha, Marcelino Freire, Rodrigo Ciriaco, Alessandro Buzo, Ferrèz Le dossier de presse