LaContre-révolution au Proche-Orient Thierry Meyssan | Jeudi 12 Mai 2011 Un clan saoudien, les Sudairi, est au cœur de la vague contre-révolutionnaire lancée
au Proche-Orient par les États-Unis et
Israël. Dans une vaste synthèse, parue en
épisodes dans le plus important quotidien
de langue russe, Thierry Meyssan dresse
depuis Damas le tableau général des contradictions qui agitent cette région. En quelques mois, trois gouvernements
pro-occidentaux ont chuté dans le monde
arabe : le parlement a renversé le
gouvernement de Saad Hariri au Liban,
tandis que des mouvements populaires ont
chassé Zine el-Abbidine Ben Ali de Tunisie, puis arrêté Hosni Moubarak en Égypte.
Ces changements de régime
s’accompagnent de manifestations contre la domination états-unienne et le sionisme.
Ils profitent politiquement à l’Axe de la Résistance, incarné au plan étatique par
l’Iran et la Syrie, et au plan infra-étatique par le Hezbollah et le Hamas.
Pour mener la contre-révolution dans cette
région, Washington et Tel-Aviv ont fait
appel à leur meilleur soutien : le clan des
Sudairi, qui incarne plus que nul autre le
despotisme au service de l’impérialisme. Les Sudairi Vous n’en avez peut-être jamais entendu parler, pourtant les Sudairi
constituent l’organisation politique la plus riche du monde depuis plusieurs décennies.
Les Sudairi, ce sont parmi les cinquante-
trois fils du roi Ibn Séoud fondateur de
l’Arabie saoudite, les sept qui ont été enfantés par la princesse Sudairi. Leur chef
de file était le roi Fahd, qui régna de 1982
à 2005. Ils ne sont plus que six depuis sa
mort. L’ainé, c’est le prince Sultan, ministre de la Défense depuis 1962, 85 ans. Le plus
jeune, c’est le prince Ahmed, ministre adjoint de l’Intérieur depuis 1975, 71 ans. Depuis les années 60, c’est leur clan qui a organisé, structuré, financé, les régimes
fantoches pro-occidentaux du « Moyen-
Orient élargi ».
Ici, un retour en arrière est indispensable.
L’Arabie saoudite est une entité juridique créée par les Britanniques durant la
Première Guerre mondiale pour affaiblir
l’Empire Ottoman. Bien que Lawrence d’Arabie ait inventé le concept de « nation arabe », il n’est jamais parvenu à faire de ce nouveau pays une nation, et encore moins
un État. C’était et c’est toujours, la propriété privée de Séoud. Ainsi que l’a montré l’enquête judiciaire britannique lors du scandale Al-Yamamah, au XXIe siècle, il
n’existe pas encore de comptes bancaires ni de budget du royaume ; ce sont les
comptes de la famille royale qui servent à
administrer ce qui reste leur domaine privé.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni n’ayant plus les moyens de son impérialisme, ce territoire passa sous
suzeraineté états-unienne. Le président
Franklin D. Roosevelt conclut un accord
avec le roi Ibn Seoud : la famille des Séoud
garantissait l’approvisionnement en pétrole des États-Unis qui, en échange,
garantissaient l’aide militaire nécessaire au maintient des Séoud au pouvoir. Cette
alliance est connue sous le nom d’Accord du Quincy, car négociée à bord du navire
du même nom. C’est un accord, pas un traité, car il ne lie pas deux États entre
eux, mais un État et une famille. L’Accord du Quncy lie les Etats-Unis à la famille des Séoud. Le roi fondateur, Ibn Séoud, ayant eu 32 épouses et 53 fils,
de graves rivalités entre successeurs
potentiels ne tardèrent pas à se faire jour.
Aussi fut-il tardivement décidé que la
couronne ne se transmettrait pas de père
en fils, mais de demi-frère en demi-frère. Cinq fils d’Ibn Seoud sont déjà montés sur le trône. Le roi actuel, Abdallah Ier, 87 ans,
est un homme plutôt ouvert d’esprit, bien que totalement déconnecté des réalités
contemporaines. Conscient que le système
dynastique actuel va à sa perte, il souhaite
réformer les règles de succession. Le
souverain serait alors désigné par le Conseil
du royaume —c’est-dire par des représentants des diverses branches de la
famille royale— et pourrait être d’une plus jeune génération.
Cette sage idée ne fait pas l’affaire des Sudairi. En effet, compte tenu des diverses
renonciations au trône pour raison de santé
ou par sybaritisme, les trois prochains
postulants appartiennent au clan : le prince
Sultan —déjà nommé— ministre de l’Intérieur, 85 ans ; le prince Nayef, ministre de l’Intérieur, 78 ans, et le prince Salman, gouverneur de Riyadh, 75 ans. Si elle devait
être appliquée, la nouvelle règle dynastique
le serait à leur détriment.
On comprend donc que les Sudairi, qui
n’ont jamais porté dans leur cœur leur demi-frère, le roi Abdallah, le haïssent
désormais. On comprend aussi qu’ils ont décidé de jeter toutes leurs forces dans la
bataille actuelle. Le prince Bandar et son « frère »
George W. Bush. Le retour de Bandar Bush À la fin des années 70, le clan des
Sudairi était dirigé par le prince Fadh. Il
remarqua les rares qualités d’un des enfants de son frère Sultan : le prince Bandar. Il
l’envoya négocier des contrats d’armement à Washington et apprécia la manière dont il
acheta l’accord du président Carter. Lorsque Fadh monta sur le trône, en 1982,
il fit du prince Bandar son homme de
confiance. Il le nomma attaché militaire,
puis ambassadeur à Washington, poste qu’il occupa tout au long du règne, jusqu’à son renvoi brutal par le roi Abdallah, en 2005.
Fils du prince Sultan et d’une esclave libyenne, le prince Bandar est une
personnalité brillante et sans scrupules qui a
su s’imposer au sein de la famille royale malgré le déshonneur attaché à son origine
maternelle. Il est aujourd’hui le bras agissant des gérontocrates du clan Sudairi.
Durant son long séjour à Washington, le
prince Bandar s’est lié d’amitié à la famille Bush, particulièrement à George H. Bush
avec qui il était inséparable. Ce dernier aime
à le présenter comme le fils qu’il aurait aimé avoir, au point qu’on le surnomme dans la capitale, « Monsieur Bandar Bush ». Ce que
George H. —ancien directeur de la CIA, puis président des États-Unis— apprécie le plus chez lui, c’est son goût pour l’action clandestine.
« Mr. Bandar Bush » s’est intégré dans la haute société états-unienne. Il est aussi
bien administrateur à vie de l’Institut Aspen que membre du Bohemian Grove. Le public
britanniques a découvert son existence lors
du scandale Al-Yamamah : le plus grand
contrat d’armement de l’Histoire et aussi la plus importante affaire de corruption.
Durant une vingtaine d’années (1985-2006), British Aerospace, bientôt
renommé BAE Systems, a vendu pour 80
milliards de dollars d’armement à l’Arabie saoudite tout en reversant discrètement
une partie de cette manne sur les comptes
bancaires d’hommes politiques saoudiens et probablement britanniques, dont 2 milliards
de dollars pour le seul prince Bandar.
C’est que Son Altesse a beaucoup de frais. Le prince Bandar a repris à son compte
nombre de combattants arabes levés par
les services secrets saoudiens et pakistanais
durant la Guerre froide pour combattre
l’Armée rouge en Afghanistan à la demande de la CIA et du MI6. Bien sûr, la figure la
plus connue de ce milieu n’était autre que milliardaire anti-communiste devenu guru
jihadiste, Oussama Ben Laden.
Il est impossible de dire précisément de
combien d’hommes dispose le prince Bandar. Au fil du temps, on voit sa main
dans de nombreux conflits et actes de
terrorisme dans tout le monde musulman,
du Maroc au Xinkiang chinois. À titre
d’exemple, on se souvient de la petite armée qu’il avait implanté dans un camp palestinien libanais, à Nahr el-Bared, sous le
nom de Fatah al-Islam. La mission de ces
combattants était de soulever les réfugiés
palestiniens, majoritairement sunnites, de
proclamer un émirat indépendant et de
combattre le Hezbollah chiite. L’affaire tourna mal, les salaires des mercenaires
n’ayant pas été payés à temps. En définitive, en 2007, les hommes du prince
Bandar se retranchèrent dans le camp.
30 000 Palestiniens furent obligés de fuir,
tandis que l’armée libanaise livra bataille durant deux mois pour reprendre le camp.
Cette opération coûta la vie à 50
mercenaires, à 32 civils palestiniens et à 68
soldats libanais.
Début 2010, Bandar fomenta un coup
d’État pour renverser le roi Abdallah et placer son père, Sultan, sur le trône. Le
complot fut découvert et Bandar partit en
disgrâce sans pour autant perdre ses titres
officiels. Mais fin 2010, la santé du roi
déclinant et ses opérations chirurgicales se
multipliant, les Sudairi reprirent la main et imposèrent son retour avec l’appui de l’administration Obama. Binational saoudo-libanais, Saad Hariri,
s’est rallié aux Sudairi. Premier ministre démissionnaire du Liban, il bloque la
constitution d’un nouveau gouvernement depuis trois mois et, en
attendant, expédie les affaires
courantes. C’est après avoir rendu visite au roi, hospitalisé à Washington, et avoir
conclu un peu vite qu’il était agonisant que le Premier ministre libanais Saad Hariri se
rallia aux Sudairi. Saad Hariri est un
saoudien, né à Riyadh, mais disposant de la
double nationalité. Il tient sa fortune de
son père, lequel devait tout aux Séoud. Il
est donc un obligé du roi et est devenu Premier ministre du Liban à sa demande
pressante, alors que le département d’État US s’interrogeait sur sa capacité à occuper le poste.
Durant la période où il obéissait au roi
Abdallah, Saad Hariri entreprit de se
réconcilier avec le président Bachar el-
Assad. Il retira les accusations qu’il avait formulé à son égard à propos de l’assassinat de son père, Rafik el-Hariri, et déplora avoir
été manipulé pour créer artificiellement une
tension entre le Liban et la Syrie. En se
ralliant aux Sudairi, Saad fit une volte-face
politique. Du jour au lendemain, il renia la
politique d’apaisement du roi Abdallah vis-à- vis de la Syrie et du Hezbollah et se lança
dans une offensive contre le régime de
Bachar el-Assad, pour le désarmement du
Hezbollah et un compromis avec Israël.
Cependant le roi Abdallah se réveilla de son
état semi-comateux et ne tarda pas à demander des comptes. Privé de ce
soutien indispensable, Saad Hariri et son
gouvernement furent renversés par le
Parlement libanais au profit d’un autre milliardaire bi-national Najib Mikati, moins
aventuriste. A titre de punition, le roi
Abdallah lança une enquête fiscale sur la
principale société saoudienne des Hariri et
fit arrêter plusieurs de ses collaborateurs
pour fraude. Les légions des Sudairi Les Sudairi ont
décidé de lancer la contre-révolution tous
azimuts.
En Égypte où ils finançaient d’une main les Moubarak, de l’autre les Frères musulmans, ils ont désormais imposé une alliance entre
la confrérie et les officiers pro-US.
Ensemble, cette nouvelle coalition s’est partagé le pouvoir en excluant les leaders
de la révolution de la Place Tahrir. Elle a
refusé de convoquer une Assemblée
constituante et s’est contentée d’amender marginalement la constitution.
En premier lieu, elle a déclaré l’islam religion d’État, au détriment de la minorité chrétienne copte (environ 10 %) qui avait
été opprimée par Hosni Moubarak et s’était mobilisée en masse contre lui. De plus, le
docteur Mahmoud Izzat, numéro deux des
Frères, a appelé à la rapide instauration de
la Sharia et à la restauration des châtiments
islamiques. Porte-parole des Frères musulmans en
Egypte, Essam Elarian ne centre pas sa
campagne électorale sur l’abrogation des Accords de Camp David, mais sur la
criminalisation de l’homosexualité. Selon lui, même si la majorité de la
population accepte ce « vice », un Etat
musulman se doit de le réprimer selon
la Sharia. Le jeune Waël Ghoneim, qui avait joué un rôle de premier plan dans le
renversement du tyran, a été interdit de
podium dès la manifestation de la victoire,
le 18 février, qui réunit près de 2 millions de
personnes. À l’inverse, le prêcheur vedette des Frères, Youssef al-Qardawi, de retour
après 30 ans d’exil à Qatar, a pu longuement s’exprimer. Lui, qui avait été déchu de sa nationalité par Gamal Abdel
Nasser, s’est érigé en incarnation de la nouvelle ère : celle de la Sharia et de la
coexistence pacifique avec le régime
sioniste de Tel-Aviv.
Le Prix Nobel de la paix Mohammed el-
Baradeï, —que les Frères musulmans avaient choisi comme porte-parole durant la
révolution pour se donner une image
ouverte— a été physiquement agressé par les mêmes Frères lors du référendum
constitutionnel et a été écarté de la scène
politique.
Les Frères musulmans ont annoncé leur
entrée en bonne et due forme sur la scène
politique avec la création d’un nouveau parti, Liberté et Justice, soutenu par la
National Endowment for Democracy (NED)
et imitant l’image de l’AKP turc (Ils ont choisi la même stratégie en Tunisie avec le
Parti de la Renaissance).
Dans ce contexte, des violences ont été
perpétrées contre les minorités religieuses.
Ainsi deux églises coptes ont été brûlées.
Loin de punir les agresseurs, le Premier ministre leur a donné un gage : il a démis
de ses fonctions le gouverneur qu’il venait de nommer dans la province de Qenna, le
respecté général Imad Mikhael… parce que celui-ci n’est pas musulman sunnite, mais chrétien copte. Le Conseil de coopération du Golfe
(CGC) a appelé de ses voeux
l’intervention de l’OTAN en Libye et a envoyé l’armée saoudienne et la police émiratie écraser la contestation à
Bahreïn. En Libye, les Sudairi ont transféré des combattants armés en Cyrénaïque
avant que les franco-britanniques ne
donnent le signal de l’insurrection contre le pouvoir de la Tripolitaine. Ce sont eux qui
ont distribué des armes et des drapeaux
rouge-noir-vert à l’étoile et au croissant, symboles de la monarchie senoussi,
protectrice historique des Frères
musulmans.
Leur objectif est d’en finir avec le trublion Kadhafi et de restaurer le prince
Mohammed sur le trône de ce qui était
jadis le Royaume-Uni de Libye.
C’est le Conseil de coopération du Golfe qui, le premier, a demandé une
intervention armée contre le
gouvernement de Tripoli. Et c’est, au sein du Conseil, la délégation saoudienne qui a
conduit les manœuvres diplomatiques pour que la Ligue arabe cautionne l’attaque par les armées occidentales.
De son côté le colonel Kadhafi avait assuré
dans plusieurs discours qu’il n’y avait pas de révolution en Cyrénaïque, mais que son
pays devait faire face à une opération de
déstabilisation d’Al Qaïda ; des propos qui ont fait sourire, à tort, et qui furent
confirmés par le commandeur de l’US Africom en personne : on se souvient du
malaise du général Carter F. Ham,
commandant des premières opérations
militaires états-uniennes avant qu’il ne soit relevé par l’OTAN. Il s’était étonné de devoir choisir ses cibles en s’appuyant sur des espions au sol connus pour avoir
combattu les forces alliées en Afghanistan :
en clair, les hommes de Ben Laden.
Le Bahreïn, quant à lui, se présente comme
un royaume indépendant depuis 1971. En
réalité, il est toujours un territoire gouverné par les Britanniques. Ceux-ci avaient choisi
en leur temps comme Premier ministre le
prince Khalifa et l’ont maintenu à ce poste depuis 40 ans sans discontinuer, après la
fiction d’indépendance et encore aujourd’hui. Une continuité qui n’est pas pour déplaire aux Sudairi.
Le roi Hamad a accordé une concession aux
États-Unis qui ont installé au port de Juffair
le quartier général naval du Central
Command et la Ve flotte. Dans ces
conditions, la demande populaire de monarchie constitutionnelle signifie l’accès à une véritable indépendance, la fin de la
tutelle britannique, et le départ des
troupes US. Une telle évolution ne
manquerait pas de faire tâche d’huile en Arabie saoudite et de menacer les bases du
système.
Les Sudairi ont convaincu le roi du Bahreïn
d’écraser tout espoir populaire dans le sang. Garant de l’ordre établi, le prince Nayef est l’inflexible ministre saoudien de l’Intérieur et de l’Information depuis 41 ans. Le 13 mars, le secrétaire US à la Défense Robert Gates est venu installer la
coordination des opérations à Manama,
lesquelles ont débuté le lendemain avec
l’entrée de troupes spéciales saoudiennes, placées sous le commandement du prince
Nayef et connues comme « les Aigles de
Nayef ».
En quelques jours, tous les symboles de la
contestation ont été détruits, y compris le
monument public érigé jadis sur la place de la Perle. Des centaines de personnes sont
mortes ou portées disparues. La torture — qui avait été presque abandonnée depuis
une dizaine d’années— a été à nouveau généralisée. Les médecins et infirmiers qui
ont soigné des manifestants blessés ont
été arrêtés dans leurs hôpitaux, incarcérés
au secret, puis traduits devant des
tribunaux militaires.
Cependant, le plus important dans cette terrible répression est la volonté de
transformer un classique combat de classe
opposant une population entière à une
classe de privilégiés vendus à un
impérialisme étranger, en un conflit
sectaire. La majorité des Bahreinis étant chiites alors que la famille régnante est
sunnite, c’est le chiisme —véhicule de l’idéal révolutionnaire de Rouhollah Khomeiny— qui a été désigné comme cible. En un mois,
les « Aigles de Nayef » ont rasé 25
mosquées chiites et endommagé 253
autres.
21 des principaux leaders de la contestation
politique seront prochainement jugés par un tribunal d’exception. Ils encourent la peine de mort. Plus encore que sur les
chiites, la monarchie s’acharne sur Ibrahim Chérif, le président du parti Waed (gauche
laïque), auquel elle reproche de ne pas
jouer le jeu confessionnel alors qu’il est sunnite.
À défaut de pouvoir déstabiliser l’Iran, les Sudairi ont concentré leurs attaques contre
la Syrie.
La déstabilisation de la SyrieLes révolutions mises en scène pour les
médias ont leur logo. Ici, celui de « The
Syrian Revolution 2011 » sur
Facebook. . Début février, alors que le pays ne connaissait aucune manifestations,
une page intitulée The Syrian Revolution
2011 était créée sur Facebook. Elle appelait
à une « Journée de la colère », le vendredi
4 ; appel relayé par Al-Jazeera, mais qui ne
rencontra aucun écho, nulle part. La chaîne qatarie déplora cette absence de réaction
et stigmatisa la Syrie, ce « royaume du
silence » (sic).
La dénomination The Syrian Revolution
2011 laisse songeur : formulée en anglais,
elle est caractéristique des slogans publicitaires. Mais quel révolutionnaire
authentique penserait que s’il ne parvient pas à réaliser son idéal en 2011, il rentrera
se coucher à la maison ?
Plus étrange, le jour de sa création, cette
page Facebook a enregistré plus de 80 000
amis. Un tel engouement en quelques
heures, suivi de rien du tout, évoque une manipulation réalisée avec des logiciels de
création de comptes. D’autant que les Syriens ont un usage modéré d’Internet et n’ont accès à l’ADSL que depuis le 1er janvier.
Les troubles ont débuté un mois plus tard à
Deraa, un bourg rural situé à la frontière
jordanienne et à quelques kilomètres
d’Israël. Des inconnus ont payé des adolescents pour qu’ils taguent des graffitis antigouvernementaux sur les murs de la
ville. La police locale a arrêtés les lycéens et
les a traités comme des criminels au grand
dam de leurs familles. Les notables locaux
qui se proposaient de régler le contentieux
ont été éconduits par le gouverneur comme des mal-propres. Les jeunes gens
ont été passés à tabac. Les familles
furieuses ont attaqué le commissariat pour
les libérer. La police a répondu avec plus de
brutalité encore, tuant des protestataires.
Le président Bachar el-Assad est alors intervenu pour sanctionner les policiers et
le gouverneur —lequel n’est autre qu’un de ses cousins qu’il avait nommé à Deraa, loin de la capitale, pour qu’il se fasse oublier—. Une enquête a été ouverte pour faire
toute la lumière sur cette bavure policière,
les fonctionnaires responsables des
violences ont été mis en examen et placés
sous écrou. Des ministres se sont déplacés
pour présenter les excuses et les condoléances du gouvernement aux
familles de victimes ; excuses et
condoléances qui ont été publiquement
acceptées.
Tout aurait du rentrer dans l’ordre. Soudain des snipers cagoulés, postés sur des toits,
ont tiré à la fois sur la foule et sur les
policiers, plongeant la ville dans le chaos.
Profitant de la confusion, des individus
armés se sont rendus à l’extérieur de la ville pour attaquer un bâtiment public qui abrite
les services de renseignement chargés de
l’observation du territoire syrien du Golan occupé par Israël. Les services de sécurité
ont ouvert le feu pour défendre le
bâtiment et ses archives. Il y a eu des
morts de part et d’autre. Ce type d’affrontement s’est reproduit. Les notables ont demandé la protection de
l’armée face aux assaillants qui ont investi la ville. Trois mille hommes et des blindés ont
été déployés pour protéger les habitants.
En définitive, une bataille a opposé les
combattants infiltrés à l’armée syrienne dans une sorte de remake du siège de
Nahr el-Bared par l’armée libanaise. Sauf que cette fois, la presse internationale
déforme les faits et accuse l’armée syrienne d’attaquer la population de Deraa. Pendant ce temps, des heurts ont éclaté à
Lattaquié. Ce port abrite de longue date
des mafias qui se sont spécialisées dans la
contrebande maritime. Ces individus ont
reçu des armes et de l’argent en provenance du Liban. Ils ont vandalisé le
centre ville. La police est intervenue. Sur
ordre présidentiel, les forces de l’ordre n’étaient armées que de matraques. Les gangsters ont alors sortis des armes de
guerre et ont tués des dizaines de policiers
désarmés.
Le même scénario s’est reproduit dans la localité voisine de Banias, une ville de
moindre importance, mais bien plus
stratégique en ce qu’elle abrite la principale raffinerie pétrolière du pays. Cette fois, les
forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes et l’affrontement a tourné en bataille rangée.
Enfin, à Homs, une ville importante du
Centre, des individus sont venus participer
à une prière dans une mosquée intégriste
et ont appelé les fidèles à manifester
contre « le régime qui tue nos frères de Lattaquié ».
Réagissant aux troubles, la population
syrienne est descendue en passe pour
affirmer son soutien à la République. Des
manifestations monstres, comme le pays
n’en avait jamais connues de son histoire, ont réuni chaque fois des centaines de
milliers de personnes à Damas, à Alep et
même à Lattaquié, au cri de « Dieu, la
Syrie, Bachar ! ».
Tandis que les affrontements se
durcissaient dans les localités concernées, les forces de l’ordre sont parvenues à arrêter des combattants. Selon leurs aveux
télévisés, ils ont été recrutés, armés et
payés, par un député haririste libanais,
Jamal Jarrah, ce que ce dernier dément.
Jamal Jarrah est un ami du prince Bandar.
Son nom avait été cité dans l’affaire du Fatah al-Islam à Nahr el-Bared. Il est le
cousin de Ziad Jarrah, un jihadiste accusé
par le FBI d’être responsable du détournement du vol UA93 qui s’est écrasé en Pennsylvanie le 11 septembre 2001. Il
est également cousin des frères Ali et
Youssouf Jarrah, arrêtés par l’armée libanaise, en novembre 2008, pour
espionnage au profit d’Israël. Depuis Londres et Paris, Ali Saad-al-din
Bayanouni (secrétaire général de la
section syrienne des Frères
musulmans) et Abdel-Halim Khaddam
(ancien vice-président de Syrie)
appellent au renversement de Bachar el-Assad. Jamal Jarrah serait un membre secret des Frères musulmans, ce qu’il dément également. En 1982, les Frères
tentèrent de prendre le pouvoir en Syrie.
Ils échouèrent et furent alors victimes
d’une effroyable répression de masse. On croyait ce douloureux souvenir oublié
depuis l’amnistie proclamée par Bachar el- Assad. Il n’en est rien, cette branche des Frères étant désormais financée par les
Sudairi, qui jadis les excommuniaient. Le
rôle de la confrérie dans les affrontements
de Banias est maintenant reconnu par tous.
Jamal Jarrah aurait également utilisé des
militants libanais du Hizb ut-Tahrir, une organisation islamiste basée à Londres et
surtout active en Asie centrale. Le Hizb ut-
Tahrir, qui se déclare non-violent, est
accusé d’avoir organisé de nombreux attentats dans la vallée de la Ferghana.
C’est notamment pour le combattre que la Chine a initié son rapprochement avec la
Russie au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai. Malgré plusieurs
débats à la Chambre des Communes, les
responsables londoniens du groupe n’ont jamais été inquiétés et occupent tous des
postes de cadres de haut niveau dans des
multinationales anglo-américaines.
Le Hizb ut-Tahrir a ouvert une section au
Liban l’an dernier. À cette occasion, il a organisé un congrès où il a invité des
personnalités étrangères, dont un
intellectuel russe de renom international.
Au cours des débats, les organisateurs ont
appelé à l’instauration d’un État islamique en précisant que pour eux, les chiites et les
druzes libanais, —et même certains sunnites — ne sont pas de vrais musulmans et devraient être expulsés comme les
chrétiens. Stupéfait par ces outrances,
l’invité russe s’est empressé de donner des interviews télévisés pour se démarquer de
ces fanatiques.
Les forces de sécurité syriennes sont
d’abord apparues débordées par les évènements. Formés en URSS, les officiers
supérieurs ont fait usage de la force sans
trop se soucier des conséquences sur la
population. Cependant, la situation s’est progressivement renversée. Le président
Bachar el-Assad a repris la main. Il a changé
de gouvernement. Il a abrogé l’état d’urgence et a dissous la Cour de sûreté de l’État. Il a octroyé la nationalité syrienne aux milliers de Kurdes qui en étaient
historiquement privés depuis un
recensement contesté. En outre, il a pris
diverses mesures catégorielles, comme
l’abrogation des amendes pour retard de paiement des entreprises publiques
(électricité etc.). Ce faisant, il a donné
satisfaction aux principales demandes
populaires et a tari l’opposition. Lors du « Jour de défi », le vendredi 6 mai, la
totalité des manifestants dans le pays n’a pas atteint les 50 000 personnes, pour une
population de 22 millions d’habitants. Surtout, le nouveau ministre de l’Intérieur Mohammad al-Sha’ar, a appelé toute personne qui se serait laissée entraîner dans
les émeutes de se rendre spontanément à
la police et de bénéficier d’une amnistie complète en échange d’informations. Plus de 1 100 personnes ont répondu. En
quelques jours, les principales filières ont
été démantelées et de nombreuses caches
d’armes saisies. Après cinq semaines de violences, le calme revient lentement dans
presque toutes les villes troublées.
Parmi les meneurs identifiés et arrêtés,
plusieurs seraient des officiers israéliens ou
libanais, et un serait un politicien libanais
proche de Saad Hariri. Cette tentative de déstabilisation aura donc une suite. Au sein du gouvernement saoudien,
les Sudairi ont profité de la maladie du
roi Abdallah pour le marginaliser. Avec
l’aide des Etats-Unis et d’Israël, ils ont mit fin au rapprochement Abdallah-el-
Assad et supervisent la contre-
révolution arabe. Un complot à découvert Ce qui était originellement un
complot pour renverser les autorités
syriennes s’est transformé en un chantage public à la déstabilisation. Constatant que la
révolte ne prend pas, les quotidiens arabes
anti-syriens ont évoqué sans pudeur les
marchandages en cours.
Ils ont relaté les voyages de négociateurs
venus à Damas présenter les exigences des Sudairi. Si l’on en croit ces journaux, les violences ne s’arrêteront que lorsque Bachar el-Assad se sera plié à deux ordres :
rompre avec l’Iran ; et cesser de soutenir la Résistance en Palestine, au Liban et en Irak.
La propagande internationale Les Sudairi
souhaitent une intervention militaire
occidentale pour en finir avec la résistance
syrienne, à la manière dont se déroule
l’agression contre la Libye. Pour ce faire, ils ont mobilisé des spécialistes de la
propagande.
À la surprise générale, la chaîne de
télévision satellitaire Al-Jazeera a
brutalement changé de ligne éditoriale.
C’est un secret de polichinelle que cette station a été créée par la volonté des
frères David et Jean Frydman, des
milliardaires français qui furent conseillers
d’Ytzakh Rabin et d’Ehud Barak. Ils souhaitaient créer un média qui permette
un débat entre Israéliens et Arabes, alors
que ce débat était interdit par la loi dans
chacun des pays concernés.
Pour constituer la chaîne, ils ont sollicité
l’émir de Qatar qui a, au départ, joué le rôle de couverture. L’équipe de rédaction a été recrutée au sein du service arabe de la
BBC, de sorte que la majorité des
journalistes de départ sont des agents du
MI6 britannique.
Cependant, l’émir a pris le contrôle politique de la chaîne qui est devenue le bras
agissant de sa principauté. Durant des
années, Al-Jazeera a effectivement joué un
rôle d’apaisement en favorisant le dialogue et la compréhension dans la région. Mais la
chaîne a aussi contribué à banaliser le
système d’apartheid israélien, comme si les violences de Tsahal n’étaient que des bavures regrettables d’un régime acceptable, alors qu’elles sont l’essence même du système. En fuite, l’ex-président Ben Ali a trouvé refuge en Arabie saoudite
auprès du prince Nayef. Al-Jazeera, qui a couvert de manière exceptionnelle les
révolutions en Tunisie et en Égypte, a
brusquement changé de ligne éditoriale
avec l’affaire libyenne pour devenir le porte- parole des Saidari.
Cette volte-face mérite une explication.
L’attaque de la Libye est originellement un plan franco-britannique conçu en novembre
2010, c’est-à-dire bien avant le « printemps arabe », auquel les États-Unis ont été
associés. Paris et Londres entendaient
régler des comptes avec Tripoli et défendre
leurs intérêts coloniaux. En effet, en
2005-06, la NOC, compagnie nationale des
pétroles libyenne, avait lancé trois appels d’offres internationaux pour l’exploration et l’exploitation de ses réserves, les plus importantes d’Afrique. Le colonel Kadhafi avait imposé sa règle du jeu. Les
compagnies occidentales avaient conclu
divers accords, certes avantageux, mais
bien peu à leurs yeux. Il s’agissait même des contrats les moins favorables à des
multinationales dans le monde. À cela
s’ajoutaient divers contentieux liés à l’annulation de juteux contrats d’équipement et d’armemen
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