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Une critique de Pierre-Vincent Guitard (Exigence Littérature)

Publié le 14 mai 2011 par Marc Villemain

Pierre-Vincent Guitard vient d'écrire sur Le Pourceau, le Diable et la Putain un article dont le moins que l'on puisse dire est qu'il me fait immensément plaisir. Bien sûr, il y a l'éloge. Mais, et cela compte aussi, il y a le plaisir de lire un critique qui s'engage et court le risque de disséquer ce qui se dissimule entre les lignes et derrière le livre.

On peut lire l'article dans son contexte originel sur le site e-litterature.net

CouvPourceau
Roman du misanthropisme pourrait-on croire, c’est en tout cas ainsi qu’il se présente. Léandre le vieillard-narrateur serait aussi l’auteur d’un ouvrage intitulé : Le misanthropisme est un humanisme  ; en écho à Atopia, l’ouvrage de son compère Eric Bonnargent, Marc Villemain produit ici un livre dont le héros se veut à l’écart des hommes, et se définit comme tel. Mais ce qui est frappant dans ce livre, ce qui vous accompagne dans votre lecture, c’est la déchéance du corps, Léandre est un vieillard qui fait sous lui, loin, très loin du héros auquel on s’identifie ! et bien sûr tout près de ce qui nous menace tous. Comme Flaubert disait Mme Bovary, c’est moi Marc Villemain pourrait énoncer « Léandre c’est moi, c’est vous » en ce sens le misanthropisme de son héros, sa réaction à la déchéance, est évidemment symptomatique de la condition humaine. Le misanthrope en effet ne juge pas, il jauge ; il ne jouit pas de la déchéance de l’autre, il vérifie qu’elle est notre lieu commun.

L’intérêt du livre est sans doute là, dans cette jouissance de la déchéance, le fait qu’elle soit niée la rend bien sûr d’autant plus suspecte. Parce que le personnage principal du roman, plus que Léandre, le père, c’est celui qui est désigné comme le pourceau, le fils, un fils qui s’est attaché au père : Mais ma veine fut que le pourceau était affublé d’un caractère à ce point mélancolique qu’il devint doloriste jusqu’à s’attacher à moi avec sincérité et que le père ne cesse de dévaluer parce qu’il n’a pas su être misanthrope, mais a au contraire sombré dans la lâcheté, l’irrésolution, l’esprit de sérieux, la complaisance à soi-même.

Bien sûr, Marc Villemain semble désigner ici la jeunesse contemporaine, mais est-ce si certain ? Il faut toujours être attentif aux textes empreints d’humour, l’humour étant souvent une façon de se cacher. On notera au passage l’insistance avec laquelle reviennent les scènes initiatrices dont cette pseudo scène primitive curieusement vécue par le Père ce qui en dit assez sur le peu de considération que le fils a de lui-même.

Si Léandre semble bien être celui que le titre appelle le Diable, reste un troisième personnage, Géraldine Bouvier, celle qui est appelée la Putain. La putain c’est aussi celle qui a couché avec le père et l’on n’est pas étonné de lire après que le Pourceau s’est suicidé une phrase évoquant le nouveau mari dont on ne sait s’il est celui de Géraldine ou de la mère du petit comme si l’une et l’autre se confondaient. De la même manière c’est sous les traits de Géraldine que Léandre imagine sa mère priant ses voisins de tente d’organiser leur tournoi de pétanque un peu plus loin.

On a ainsi un roman qui paraît être un roman philosophique sur la misanthropie et qui se révèle être un vrai roman familialdont Marthe Robert* disait qu’il fallait y rechercher l’origine du roman moderne. Mais alors que dans le roman familial le héros trouve un moyen de s’affranchir du père soit en se prétendant enfant trouvé, soit en se prétendant bâtard, le Pourceau est une sorte de héros négatif, un héros qui plutôt que de prendre la place du père se suicidera. Curieux dénouement qui verra mourir le père sans que le fils puisse profiter de sa disparition ! Les relations entre les trois personnages de ce roman Le Diable – le Père-, le Pourceau – le Fils -, et la Putain – la mère/infirmière - en font un roman tout à fait moderne où le fils n’ose plus s’assumer et où la culpabilité prend le pas sur l’action qu’elle soit idéaliste ou pragmatique. A rapprocher d’une génération d’après-guerre qui n’ose plus s’emparer de la culture, ce que Marc Villemain lui reproche assez, et d’une civilisation qui se sent coupable d’avoir pollué la terre-mère et n’ose plus entreprendre.

Au total un roman à l’écriture légère et humoristique qui détourne les codes habituels du genre reflétant ainsi une époque décadente où ce n’est plus le fils qui tue le père mais l’inverse !

Sans avoir l’air d’y toucher, Marc Villemain dans un style assez classique bouleverse le paysage romanesque.

Pierre-Vincent Guitard

* Marthe Robert, Roman des origines et origines du roman - Grasset, 1972


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