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Qui de Jack Mabry (Robert DeNiro) ou de Gerald Creeson, alias Stone (Edward Norton) est le plus grand salaud ? John Curran, pour y répondre, déroule une épuisante artillerie mystique, totalement inattendue, prenant à contrepied les attentes du spectateur. De son triangle (amoureux, adultérin, sexuel) d’acteurs, il tire un discours dopé à la symbolique religieuse, qui réfléchit autour des thèmes inhérents à la chose: rédemption, pardon, culpabilité, le bien, le mal. Soit Stone, ancien pyromane en proie à une violente épiphanie derrière les barreaux qui tente- avec la complicité des charmes tentateurs de sa femme (Milla Jovovich)- de convaincre son agent de libération conditionnelle de le sortir de l’enfer carcéral. C’est le début d’une démonstration clinique pour Curran, qui rappelle à la fois la froideur de We don’t live here anymore, et l’atmosphère de Peur Primale (Goblit, 1995).
Posant en parallèle un monstre plein de rédemption à un autre monstre qui rejette la grâce de Dieu, il s’interroge sur la réhabilitation, la foi, le destin. Là où l’on attendait de l’action, il impose la réflexion. Là où l’on espérait complexité, il n’y a que confusion, foutoir et une vaporeuse tristesse qui émergent du désastre. Plus l’on avance, plus le brouillard emplit l’écran: sons distordus, laïus nébuleux, sermon suranné. Curran offre une confrontation psychologique fastidieuse et bavarde où motivations et enjeux se noient sous des couches de spiritualité bon marché. Pas sûr cependant que l’originalité de la démarche (qui ose aujourd’hui un tel casting pour prêcher la bonne parole?), réussisse à masquer l’arrière goût amer de charlatanisme laissé par un argumentaire catho à souhait.