Show campagnard
Ce jeudi, il était près d'Arras, dans le Nord, pour son 10ème déplacement agricole en un an. Un déplacement express, en hélicoptère depuis Paris pour oublier la grosse bêtise de Laurent Wauquiez du weekend dernier. Le ministre a failli perdre sa place. Sarkozy a pensé, mardi soir, le dégager du gouvernement.
A Arras, le candidat s'est même offert un bain de foule de près d'une demi-heure. Le reporter du Parisien a parlé d'un « fait rare ». C'est faux. L'exercice est habituel, encadré et casté. Dans les rues, l'assistance a été invitée et choisie. Depuis l'automne 2007, Nicolas Sarkozy ne visite plus que des petites localités bouclées par des centaines de gendarmes, aux rues vidées de leurs habitants et remplies de militants ou invités par l'UMP locale.
A Héricourt, il a visité la ferme de Mickaël Poillon, ce jeune agriculteur un peu tenace de l'émission « Face aux Français » en février dernier. Le journaliste du Parisien n'est pas dupe : Sarkozy prenait son temps (quelques dizaines de minutes, n'exagérons pas !); les tempes étaient « visiblement blanchies », écharpe bleue, dos un peu vouté ; le Monarque « arpenta longuement » l'exploitation. Le look quasi-mitterrandien était paraît-il soigné, « une métamorphose savamment sculptée depuis des mois avec ses communicants.» Il a même gouté le jus de pomme « maison » et des sablés aux pommes bios confectionnés par l'épouse Poillon avec les produits de la ferme: œufs, farine, lait... Incroyable ! Pour faire proche et présidentiel, Sarkozy est prêt à tous les sacrifices !
On avait aussi dressé, pour quelques centaines de milliers d'euros, une table (pas) ronde sur « L'avenir du métier d'agriculteur ». Le hasard politico-médiatique fait bien les choses. Le jeune Poillon anime un blog qui s'intitule « Tu seras paysan mon fils ».
Le candidat répète toujours les mêmes slogans, prodigue toujours les mêmes conseils : sur la sécheresse qui menace, « on ne laissera pas tomber les agriculteurs » ; sur l'ouverture aux importations latines-américaines, « Je ne peux pas l'accepter » ; sur le développement des « circuits courts », « cela vous permet d'être en contact direct avec vos clients et avoir les informations sur leurs attentes ». Il radote sur les bienfaits de la contractualisation, même si on se souvient des critiques contre le dispositif, incomplet, adopté en juin dernier (pas de prix d'achat plancher). Il encourage la concurrence, dénonce « la drogue des subventions.»
Pour ou contre les subventions ?
« La profession agricole doit croire en son avenir mais les conditions dans lesquels vous exercez votre métier vont changer. Cela fait des décennies qu'on essaye de calmer le monde agricole à la drogue de la subvention, la clef de votre succès c'est la rémunération décente de votre production et de votre savoir faire.»
Un peu plus tard, le même Monarque fustigeait la réduction éventuelle des ... subventions agricoles. Allez comprendre...
Il a tapé « du poing sur la table pour l'Europe agricole ». Fichtre ! Que se passe-t-il ? Et bien, grande nouvelle, la France bloquera tout accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Amérique du Sud qui réduirait le budget de la politique agricole. « Ma capacité à accepter un compromis sur cette ligne rouge, c'est zéro plus zéro » a menacé le Monarque. Et d'ajouter : « Qu'il y ait des tentations d'aller barboter ici où là, je le sais, mais il faut vite s'arrêter parce que ce sera sans la France et la France a beaucoup d'amis. » Pourquoi cet énervement soudain ? En novembre dernier, le commissaire européen en charge de l'affaire a pourtant soutenu le maintien des aides agricoles européennes pour la réforme de la PAC pour 2014 et 2020. Et n'a-t-il pas « présidé » l'Union européenne, comme il se plaisait à le répéter il y a deux ans ?
En fait, Nicolas Sarkozy devait répondre à une autre inquiétude : les discussions avec l'Amérique latine pour assouplir les possibilités d'importations en Europe, notamment de viande bovine. Et Sarkozy n'est jamais aussi bon que lorsqu'il s'agit de s'énerver en public. « Je ne peux pas l'accepter. Je ne l'accepterai pas. Le Brésil doit comprendre qu'il doit y avoir une ligne rouge. »
Sus à la concurrence déloyale, à l'ouverture des marchés, à la déferlante des produits agricoles des économies émergentes !
Il reste encore 11 mois de campagne. Les dates officielles de l'élection présidentielle ont été communiquées en début de semaine. Le premier tour est prévu pour le 22 avril. Et le second pour le 6 mai.
Encore 11 mois...