Quand on voit un titre « la réforme des armées en France », publié qui plus est par les Presses de Sciences Po, on se dit : chic : un bouquin forcément intelligent, qui va nous apprendre plein de trucs sur ce qui se passe en ce moment, avec ce mélange d’enquête terrain et de prises de distance permettant de dégager des perspectives, voir les points critiques, apercevoir les enjeux derrière les incantations. Plus encore, alors que la « transformation » en cours est, si j’en crois ce que répète régulièrement le CEMA, « la plus importante depuis la réforme Messmer », on se dit qu’on est en plein dans le sujet.
Autant dire qu’on est vraiment déçu par le quiproquo :
derrière ce titre si alléchant, si actuel, l’auteur ne fait qu’un livre d’histoire : il s’intéresse en effet à la réforme « d’avant », celle de la professionnalisation. Plus exactement, il s’agit du parcours qui a amené Jacques Chirac à décider, en 1995, de « professionnaliser » les armées.
Autrement dit encore, M. Bastien Irondelle nous gratifie d’un traité de sociologie administrative, montrant les pesanteurs de l’Etat et les relations compliquées entre l’administration et le pouvoir politique, auxquelles s’ajoutent les particularités réticentes du système militaire.
Le lecteur apprendra ( !) ainsi les dérives des programmes, le leadership présidentiel, l’importance du calendrier politique, le monopole de l‘expertise par l’administration de défense, l’éternel « faire entrer l’édredon dans la valise », la dépossession du Parlement, l’obéissance comme toujours des militaires…
Vous ne le saviez pas ? Cela se passait pourtant comme ça en 1995, soit il y a seize ans. Mais au fond, ça c’est toujours passé comme ça. C’est ce qui rend le livre permanent (à ce titre, il peut enseigner des mécanismes à qui ne les connaîtrait pas) et en même temps inintéressant, car éloigné des difficultés du moment.
A la fois intemporel et daté.
O. Kempf