Dans les années 1970, des économistes et des démographes s’inquiétèrent de la « bombe démographique » – la population mondiale s’accroissait à un rythme soutenu et beaucoup doutaient qu’il y aurait suffisamment de ressources pour tout le monde. Deux écoles de pensée ont émergé. La première soutenait que la croissance de la population devait être freinée par des politiques publiques, et s’il le fallait, sous la contrainte. L’autre école, minoritaire, a jugé que les êtres humains eux-mêmes étaient « l’ultime ressource », une expression forgée par l’économiste Julian Simon. À son avis, plus de gens signifierait plus de productivité et plus d’esprits créatifs au service de l’espèce humaine.
Depuis lors, les conditions ont radicalement changé et dans des proportions que nul ne pouvait prévoir. La croissance démographique mondiale a ralenti à un rythme beaucoup plus important que ce que l’on pensait possible, et ce même dans les pays qui n’ont pas adopté des politiques anti-natalistes. Plusieurs pays sont maintenant en dessous du taux de fécondité de remplacement, et même les populations à plus forte croissance voient leur taux de fécondité ralentir.
Ceux qui s’inquiétèrent de la bombe démographique peuvent aujourd’hui s’inquiéter un peu moins, mais les fans de Julian Simon, eux, ne devraient pas être rassurés. L’essai principal du numéro de mai de Cato Unbound est rédigé par Bryan Caplan et examine le problème de la population mondiale selon un cadre fortement inspiré par le professeur Simon. Caplan recommande plusieurs initiatives stratégiques qui favoriseront la croissance de la population américaine, tout en protégeant les droits individuels et en respectant les choix individuels.
Les vues de Caplan, ici comme dans le reste de son œuvre, sont plutôt iconoclastes. Cato Unbound a sélectionné plusieurs spécialistes pour discuter du sujet au cours du mois de mai : l’économiste Betsey Stevenson de la Wharton School, l’historien Matthew Connelly de l’Université de Columbia et l’économiste de l’histoire Gregory Clark de l’UC Davis. Chacun examinera les arguments fournis par Caplan à l’aide d’une gamme d’outils méthodologiques et de valeurs politiques différentes.
Population, fécondité et liberté par Bryan Caplan
Bryan Caplan affirme que la baisse de la taille de la population mondiale n’est pas une si bonne chose. Bien que nous ayons esquivé la « bombe démographique » prédite dans les années 1970, le monde se porte mieux quand on bénéficie de plus de fournisseurs et de plus de demandeurs de nouveaux biens et services. Les amis du progrès scientifique et culturel devraient vouloir voir plus de personnes sur notre planète.
Ceci l’amène à la question suivante : y a-t-il des moyens pour inciter à la croissance de la population sans pour autant sacrifier la liberté individuelle ?
Caplan suggère plusieurs méthodes, y compris l’immigration libre, les incitations fiscales pour doper la natalité et souligne que le fait d’avoir plus d’enfants est plus amusant que ce que la plupart des gens pensent.
La ressource ultime… mais pour combien de temps ? par Gregory Clark
Gregory Clark soutient que les ressources minérales et les autres ressources naturelles ont été largement épuisées en Occident. Ce qui est vrai aujourd’hui ne sera pas vrai indéfiniment en matière d’alimentation, d’énergie et de produits minéraux de base. L’équilibre entre croissance démographique et ressources naturelles qui a récemment basculé vers l’abondance, basculera probablement bientôt dans l’autre sens. Clark est cependant d’accord avec l’argument de Caplan selon lequel les familles de la classe moyenne ont peu à perdre et beaucoup à gagner à avoir plus d’enfants. Les présupposés culturels occidentaux ont probablement surestimé l’importance de l’éducation, et, par conséquent, la classe moyenne américaine a probablement surinvesti dans ses enfants.
Le passé mouvementé des politiques natalistes par Matthew Connelly
Matthew Connelly passe en revue l’histoire des politiques pro-et anti-natalistes du monde entier. Il les trouve à la fois pleines de coercition, d’incitations perverses, de misogynie, et parfois même d’atrocité. L’évolution de la population est une tendance lourde et l’efficacité de ces politiques est faible. Selon lui, « les économistes ne savent pas d’où viennent les bébés ». En tous cas, ils ne le savent pas suffisamment pour inciter les personnes à avoir plus d’enfants sans détruire leur autonomie. Si les défenseurs des libertés sont recrutés par le parti pro-nataliste, comme ce que Caplan suggère, leur enrôlement pourrait se faire au prix de la liberté individuelle elle-même.
Les parents sont malheureux. Mais pourquoi ? Et faut-il s’en soucier ? par Betsey Stevenson
Betsey Stevenson accorde que les parents soient souvent généralement moins heureux que les non-parents toutes choses égales par ailleurs. Mais elle met en doute la théorie selon laquelle c’est l’inquiétude excessive des parents qui est la source de leur malheur. Les parents qui passent le plus de temps avec leurs enfants sont aussi ceux qui signalent les niveaux de bonheur les plus élevés. Par ailleurs, il ne faut pas se concentrer uniquement sur le niveau de bonheur auto-déclaré et les parents peuvent très bien avoir d’autres désirs et valeurs que la maximisation de leur niveau de bonheur. Ni le niveau auto-déclaré de bonheur, ni l’utilité économique ne résument ce que nous concevons comme une vie bonne à vivre. Nous avons encore besoin d’en savoir plus sur les raisons pour lesquelles les parents se disent moins heureux avant de pouvoir établir que le remède réside dans le fait d’avoir plus d’enfants et moins d’inquiétude à leur sujet.
Source : Cato Unbound