Amnesty International a publié des images satellites et de nouveaux témoignages qui mettent en lumière les terribles conditions dans lesquelles vivraient les prisonniers politiques nord-coréens. L’organisation soupçonne que les camps de concentration nord-coréens soient de plus en plus peuplés depuis 10 ans et aient aujourd’hui atteint une population de 200 000 individus.
Une population de 200 000 prisonniers est l’équivalent de la ville de Rennes en France ou de Charleroi en Belgique.
Des camps de concentration visibles sur Google Earth
Les images révèlent l’emplacement, la taille et permettent d’avoir plus de détails sur les conditions de vie dans quatre des six camps de concentration principaux du pays.
Les images satellite montrent que les camps sont situés au milieu de vastes étendues sauvages des provinces du Pyongan du Sud, du Hamkyung du Nord et du Hamkyung du Sud. Les prisonniers sont condamnés aux travaux forcés afin de produire un large évantail de produits allant de la pâte de soja au charbon ou au ciment.
Le gouvernement nord-coréen cache ces crimes à sa population et les nie devant l’ONU, mais ces camps sont visibles depuis le ciel. Vous pouvez voir certaines de ces structures sur Google Earth (39,674163 N et 126.851406 E).
Travail forcé, torture et malnutrition extrême
Amnesty International a parlé à un certain nombre de personnes, dont d’anciens détenus du camp de prisonniers politiques de Yodok ainsi que dans d’autres camps afin d’obtenir plus d’informations sur ces goulags modernes.
Selon d’anciens détenus du camp de prisonniers politiques de Yodok, les prisonniers sont contraints de travailler dans des conditions proches de l’esclavage et sont souvent soumis à la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Tous les détenus de Yodok souffrent d’un niveau alarmant de malnutrition et ont été témoins d’exécutions publiques.
Les prisonniers – et souvent leur famille, même si elle est « innocente » – sont envoyés dans ces camps après avoir critiqué le régime de Kim Jong-Il. La majorité des prisonniers, y compris certains de ces « coupables par association », sont détenus dans des zones dites « Zones de Contrôle Total » et ne seront jamais libérés.
Une proportion importante de ceux qui sont envoyés dans les camps ne sait même pas de quels crimes ils sont accusés.
On estime que ces camps ont été en opération depuis les années 1950, mais seulement trois personnes sont connues pour s’être échappées des Zones de Contrôle Total et avoir réussi à quitter la Corée du Nord. Environ 30 sont connues pour avoir été libérées de la Zone de la Révolution située dans le camp de prisonniers politiques de Yodok et avoir réussi à quitter le pays.
Selon le témoignage d’un ancien détenu dans la Zone de la Révolution du camp de Yodok, on estime que 40% des détenus sont morts de malnutrition entre 1999 et 2001.
Témoignage d’un ancien prisonnier
Jeong Kyoungil a été arrêté en 1999 et détenu à Yodok de 2000 à 2003. Amnesty International a interrogé Jeong à Séoul en avril 2011 :
« Nous dormons dans une salle de 50m ² environ, à 30 ou 40 par salle. Nos lits sont faits d’une planche de bois avec une couverture pour se couvrir. La journée commence à 4 heures du matin et nous travaillons jusqu’à 7h du matin. Puis nous avons le petit déjeuner de 7 heures à 8 heures. Le repas consiste en seulement 200 g de gruau de maïs mal préparé. Ce gruau de maïs est servi à tous les repas, c’est notre seule nourriture. Ensuite, le travail continue de 8h à midi, avec un déjeuner jusqu’à 13 heures. Nous travaillons de nouveau de 13h à 20h, puis nous avons un dîner de 20h à 21h. La rééducation idéologique a lieu de 21h à 23h : si nous n’arrivons pas à mémoriser les 10 codes d’éthique, nous ne sommes pas autorisés à dormir. »
« Ces 200 grammes de gruau de maïs ne nous sont pas donnés si nous ne terminons nos tâches quotidiennes. Le travail consiste à balayer les mauvaises herbes dans les champs envahis. Chacun se voit affecté 1157 m² de terrain et les prisonniers qui arrivent à terminer leur travail recoivent leur nourriture. Si la première moitié de votre travail est fait, vous recevez la moitié d’une ration, 100 grammes de gruau ».
« Voir les gens mourrir arrivait fréquemment – tous les jours. Franchement, à la différence d’une société normale, on se réjouissait du décès d’un de nos camarades car si vous rapportez aux gardes un cadavre pour l’enterrer, ils vous donnent un autre bol de nourriture. J’avais l’habitude d’enterrer les corps des gens morts. Après avoir reçu de la nourriture supplémentaire pour ce travail, on se sent heureux plutôt que tristes. »
Que faire ?
Peut-être l’attitude cavalière de la Corée du Nord au sujet de ces camps est due à l’absence générale d’attention qu’ils reçoivent dans la presse mondiale.
Le pays entier est un cauchemar orwellien. La famine, les camps de concentration, la propagande sans fin sont autant de signes que 1984 existe bien en l’an 2011 et que le régime socialiste nord-coréen s’est adapté au contexte géopolitique et aux technologies modernes.
Il existe beaucoup d’organisations visant à sensibiliser sur les conditions de vie existante dans ces camps et dans le pays en général, par exemple LiNK, Helping Hands Korea et The Committee for Human Rights in North Korea pour ne nommer qu’elles.
Il existe plusieurs documentaires sur les conditions de vie en Corée du Nord. Ombres et Chuchotements, filmé il y a maintenant plus d’une décennie, explore la vie des réfugiés nord-coréens. Beaucoup de ceux qui fuient les famines régulières du pays vont clandestinement en Chine du Nord. Une bonne partie de ceux qui s’échappent sont des enfants, renvoyés par leurs parents en espérant que cet exode pourra les maintenir en vie. Là-bas, ils sont confrontés au trafic d’êtres humains et à la brutalité policière chinoise. Comme la Chine n’a pas officiellement reconnu les nord-coréens qui fuient leur pays comme « réfugiés », les autorités chinoises sont libres de les extrader en Corée du Nord où ils risquent une exécution immédiate. Les producteurs du documentaire Ombres et Chuchotements ont mis en ligne une partie du film :
Sources : Amnesty International et Singularity Hub