Auteur : Joyce Carol Oates
Editeur : Philippe Rey
Nombre de pages : 380
Date de parution : octobre 2009
Résumé :
Elles se rencontrent au coeur des années soixante-dix, camarades de chambre dans un collège prestigieux où elles entament leur cursus universitaire. Genna Meade, descendante du fondateur du collège, est la fille d'un couple très " radical chic ", riche, vaguement hippie, opposant à la guerre du Vietnam et résolument à la marge. Minette Swift, fille de pasteur, est une boursière afro-américaine venue d'une école communale de Washington. Nourrie de platitudes libérales, refusant l'idée même du privilège et rongée de culpabilité, Genna essaye sans relâche de se faire pardonner son éducation élitiste et se donne pour devoir de protéger Minette du harassement sournois des autres étudiantes. En sa compagne elle voit moins la personne que la figure symbolique d'une fille noire issue d'un milieu modeste et affrontant l'oppression. Et ce, malgré l'attitude singulièrement déplaisante d'une Minette impérieuse, sarcastique et animée d'un certain fanatisme religieux. La seule religion de Genna, c'est la piété bien intentionnée et, au bout du compte inefficace, des radicaux de l'époque. Ce qui la rend aveugle à la réalité jusqu'à la tragédie finale. Une tragédie que quinze ans - et des vies détruites - plus tard, elle tente de s'expliquer, offrant ainsi une peinture intime et douloureuse des tensions raciales de l'Amérique.
Mon avis :
Joyce Carol Oates aime traiter des sujets délicats. Elle a une vision critique de son pays et l'affirme sans détours.Ici, elle s'attaque à l'épineux problème du racisme et de la position des États-Unis pendant les années 70 en terme de politique étrangère.
Effectivement, Genna Meade qui conte cette histoire, est la fille d'un avocat opposé au régime nixonien et notamment à la guerre du Viet-Nam. Il défend des objecteurs de conscience et notamment un terroriste, Ansel trimmer, responsable de la mort d'un vigile noir lors de l'attentat de l'usine Dow-Chemical qui produit le napalm.
Genna vénère son père parce qu'elle ne connaît pas sa réelle implication et aussi parce qu'elle le voit peu. Sa mère est une ancienne hippie, dépressive après une grande consommation de drogue et d'alcool. Son enfance est donc assez perturbée et elle en garde un malaise et un besoin d'être aimée.
Ainsi, lorsqu'elle rencontre Minette Swift, une jeune fille d'un révérend noir, elle veut à tout prix s'en faire aimer, la défendre contre les attaques racistes. Son amour est tel qu'elle va occulter les risques et les signes inquiétants du caractère de Minette. Car, cette jeune noire est aussi une jeune fille perturbée qui assume mal sa différence. Agressive, sauvage, elle se replie sur une foi excessive.
Dès le départ, l'auteur nous prévient du drame et l'atmosphère du livre est donc assez pesant. D'autant plus que le comportement de Minette s'aggrave au fil du temps. Joyce Carol Oates détaille avec minutie et gravité les états d'âme des deux jeunes filles.
Mais il y a en fait deux histoires dans ce livre. Bien sûr la rencontre et l'évolution de la relation des deux jeunes filles mais aussi, l'histoire de la famille de Genna.
" Car, à mon insu, en composant mon texte sur Minette Swift, je composais un texte-ombre qui n'avait pas grand chose à voir avec elle."
Ce qui peut effectivement gêner certains lecteurs car il y a deux intrigues simplement liées par l'état d'âme de Genna. Le
caractère désagréable de Minette est aussi agaçant mais c'est l'habitude de l'auteur que de prendre des personnages atypiques.
L'auteur parvient au travers d'une histoire relationnelle à traiter de grands sujets comme l'émancipation des femmes (au travers de la mère de Genna), le racisme, la religion, la position des Etats-Unis dans les années 70.
C'est donc un livre fort et intéressant parmi les nombreux romans de cette auteure.