Dans cette France de 1755, le colonel de Jarjeyes attend son sixième enfant : père de cinq filles, il espère que le petit dernier sera un garçon qui pourra prendre sa succession afin de perpétuer l’illustre tradition militaire de la famille. Le destin, toujours farceur, lui donne une autre fille. De dépit, le colonel décide de l’élever comme un homme et la prénomme Oscar François… Quatorze ans plus tard, Oscar est devenue un soldat accompli : bretteur émérite, elle ne manie pas moins bien pistolets et fusils.
Les relations de son père auprès du Roi Louis XV lui permettent, grâce à son passé illustre de soldat fermement dévoué à la Couronne de France, de faire entrer Oscar dans la Garde Royale avec le grade de Capitaine. Oscar se retrouve ainsi « garde du corps » de la jeune princesse tout juste arrivée d’Autriche pour épouser le futur Louis XVI afin de sceller enfin la paix entre deux nations qui se sont trop longtemps fait la guerre aux dépends de leur population respective.
Entre Oscar et Marie-Antoinette naîtra une amitié indéfectible qu’on verra peu à peu ternie par les complots de la noblesse et à laquelle l’Histoire mettra un point final de la manière qu’on sait…
Si l’auteur du manga original, Riyoko Ikeda, reste un monument du genre, cette histoire-là s’affirme comme une pièce maîtresse de son œuvre. Après avoir été un énorme succès de l’édition, La Rose de Versailles (Versailles no Bara ; 1972-1973) connut une adaptation au théâtre en 1974 par la troupe exclusivement féminine Takarazuka pour plus de 600 représentations ; puis en série télé à la fin des années 70 qui se vit par la suite réédité en long-métrage. Le réalisateur français Jacques Demy (1931-1990) en fit un film lui aussi, mais c’est une autre histoire… Diffusée en France dans le défunt Récré A2, cet anime trouva assez de succès auprès du jeune public pour qu’on puisse avoir droit à la série complète en DVD chez IDP – ce qui est une très bonne chose.
Shôjo, mais aussi drame et roman historique, Lady Oscar explore une époque charnière de l’histoire de France sans fioritures ni concessions et tout le monde y en prend pour son grade. Si au début les choses se présentent comme on s’y attend – méchants nobles profitant des faveurs du Roi qui opprime le pauvre peuple sans défense –, les événements prennent peu à peu une apparence plus mitigée, moins manichéenne et au final tout aussi instructive que passionnante. Le spectateur découvrira une cour royale faite de complots en tous genres, tous plus mesquins les uns que les autres, où l’honneur de la noblesse ne sert plus que de prétexte pour de viles joutes de prestige et d’apparat afin de tirer tout le jus de cette vache à lait que représente le pays affamé. Les choses ne se présentent pas franchement mieux du côté du peuple où les basses classes sociales font tout pour se rapprocher de cette Cour des Damnés afin d’en récolter le plus de fruits possibles avec un total mépris pour leur prochain, famille comprise. Dans ce décor affligeant de connerie humaine, se croiseront des personnages historiques et d’autres fictifs pour le plus grand bonheur de ceux qui aiment les relations psychologiques et sentimentales tortueuses…
De son côté, Oscar fait de son mieux pour rester un officier intègre et irréprochable. Mais ce n’est pas simple de devoir jouer au bonhomme quand on est une fille, et dans ces temps troublés où le prestige de la noblesse s’étiole toujours plus à chaque jour, elle a un sacré boulot. Entre les complots de Madame Du Barry – maîtresse de Louis XV et par conséquent « Reine » de France de facto – ou ceux du Duc D’Orléans – cousin du Roi et donc héritier potentiel de la Couronne au cas où il arriverait malheur à l’Héritier – elle comprend vite qu’il y a quelque chose de pourri dans le Royaume de France : cette initiation douloureuse aux mœurs abâtardis de la Cour fera peu à peu pencher son cœur vers le peuple d’où vient son fidèle ami d’enfance André, servant de la famille de Jarjeyes. Inutile de préciser de quel côté elle se trouvera pendant le climax final, vous avez compris ; la manière, par contre, apportera son lot de surprises et c’est là qu’on verra un dénouement très attendu mais malgré tout surprenant de la longue disposition des pièces sur l’échiquier durant les 40 épisodes de la série.
Mais il n’y a pas que les luttes de pouvoir car les sentiments tiennent une place prépondérante dans ce récit, shôjo oblige : que ce soit l’amour déçu d’Oscar pour le Comte Fesner de Suède dont l’affection, pourtant interdite, va à Marie-Antoinette qui n’a pas le droit de la lui rendre, ou bien les sentiments tout autant proscrits d’André pour la fille de son maître, ce thème-clé de l’histoire se voit ici mis en scène avec brio et tout aussi bien orchestré sans pour autant tomber dans le larmoyant soporifique de certaines séries US bon marché. Les événements prennent ainsi une dimension tragique inattendue dans ce genre de contexte historique, et qui finira mal – très mal…
Brillante adaptation d’un manga qui représente un sommet du shôjo d’une époque, Lady Oscar reste encore aujourd’hui une production tout aussi passionnante qu’éclairante, dans tous les sens du terme. Mais c’est aussi l’occasion d’examiner en détail le travail d’un réalisateur de tout premier plan de l’industrie de l’animation japonaise, qui a récemment disparu mais nous a laissé là un incontournable.
Note :
Cet anime est tiré du manga La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda, disponible en trois tomes aux éditions Kana.
Lady Oscar, Osamu Dezaki, 1979
IDP, 2006
41 épisodes, env. 30 € l’édition intégrale collector
Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka