« HADOPI, c’est un peu une grosse erreur, mais ça dépote grave du tambourin, les enfants ! » C’est aussi ça, la communication gouvernementale : les standards s’effondrent, on se contente de peu, et même de moins en moins. Et HADOPI, ce n’est plus un sujet, ce n’est plus une épopée, ni même un feuilleton, c’est devenu une série populaire en 20 saisons de 20 épisodes, rythmée par des gags acidulés et un comique de situation endiablé.
Et oui, pour ceux qui en doutent, c’est bien de Frédéric Mitterrand qu’il s’agit lorsqu’on parle du comique de la situation.
En effet, alors que le Président de la République du Bisounoursland admettait il y a peu de temps — lors d’un de ces pinces-fesses calculés aux douteux relents de marketing lobbyiste — que la HADOPI était quand même une boulette, pleine de gros bugs baveux, notre effervescent pratiquant de boxeurs thaïs vient de déclarer, presqu’a contrario, que la Haute Autorité Destinée à Observer les Petits Internautes était « indispensable » et recevait tout son soutien, ce qui, dans la bouche de notre frétillant ministre, équivaut sans doute à une onction (qu’on aurait souhaité, cependant, plus extrême).
Pour Le Fred, décidément pas en mal d’exagérations amusantes, « ce qui était un pari est devenu une réalité tangible« … Car pour lui, comme pour tous nos énarques technologiquement contrariés, installer une nouvelle commission théodule, faire passer des lois incompréhensibles, ouvrir un boulevard à des lobbys, enquiquiner un maximum de citoyens, tout ça, c’est un pari, une prise de risque, un travail de fond pas gagné d’avance, une fine appréciation du problème doublé d’une solution adaptée et ouvragée avec art.
Là encore, on ne peut que constater que les standards s’effondrent. Jadis, on visait la Lune, la Grande Vitesse ou la Maîtrise de l’Atome. De nos jours, on estime qu’envoyer des mails bancals à des ados boutonneux pour qu’ils arrêtent de décharger du porn baveux sur internet, c’est une réalisation courageuse, un pari. On a les ambitions qu’on peut.
Et on y va même de son petit sondage à la con : 50% des interrogés lors d’une enquête de commande déclarent ainsi approuver le machin-bidule. On imagine sans mal que si la même enquête avait ramené 12% de joyeux approbateurs, on n’en aurait pas entendu parler. Ne me faites pas dire que les questions et les chiffres auront été soigneusement cuisinés pour obtenir le fameux résultat, ce serait aller un chouilla au-delà de ma pensée qui ne peut s’empêcher, cependant, de trouver fort étonnant qu’une part aussi importante d’internautes français sache de quoi HADOPI retourne (car non, papy, il ne s’agit pas de la dernière marque de sonotones à la mode).
Mais 50%, ça frise le plébiscite pour un truc qui, dans la même enquête, semble n’avoir touché que 7% des internautes : pas difficile d’approuver une autorité qu’on ne voit quasiment pas, et dont l’impact, en terme réels, est … négatif.
On apprend en effet que 50% des méchants internautes (ceux qui piratent, les 7% de tout à l’heure), recevant leur lettre d’avertissement, arrêteraient leurs activités illicites. On les comprend : statistiquement, pour se faire repérer, c’est qu’on a déjà du se gaver de MP3 et autres rips de DVD dans des proportions bibliques, et qu’une interruption même temporaire du téléchargement doit se repérer assez vite…
Temporaire, car selon toute vraisemblance, ces 3.5% passent alors sous le radar de la Hautotorité, en se bousculant sur Megaupload et autre Fileshare.
C’est sans doute ça, l’efficacité HADOPI. Pour la modeste somme de 12 millions d’euros à l’année, on a donc 3.5% d’internautes qui basculent dans la zone noire, rejoignant ainsi tous les autres qui en font autant sans avoir eu besoin de recevoir avant les petits bisous électroniques de l’émanation gazeuse du Ministère de l’Aculture.
Finalement, HADOPI, c’est un condensé de tout ce qui va de travers dans ce pays : un problème totalement futile, monté en épingle par une bande de dinosaures, graissant les pattes de politiciens corrompus qui proposent une solution tordue et inefficace dont l’application aggrave le problème et ajoute à la confusion générale, le tout pour un prix scandaleusement élevé, mené par des ignorants frivoles et des têtards subventionnés ridicules.
Grandiose.