Chef et confiance

Publié le 12 mai 2011 par Egea

Le lecteur d'égéa aura remarque que je m'interroge, depuis quelque temps, sur la question du commandement versus management : car il est après tout trop simple de dire "c'est différent", de justifier ça par "le feu" et d'estimer que ça suffit. En fait, ça ne suffit pas. Il faut donc méditer, fureter, confronter.

Et c'est pourquoi je suis en train de terminer le livre ci-contre, "Lost in management" de François Dupuy. Je ne vais pas en faire ici une fiche de lecture (avez-vous remarqué, je ne publie plus trop de fiches de lecture ces dernières semaines : non que je ne lis pas, mais je n'ai pas le temps de coucher les notes que ces bouquins inspirent...), mais évoquer le point qui m'a "transporté" (normal, c'était ce matin, dans le bus qui m'emmenait au boulot...).

1/ Le livre est intéressant, parce qu'écrit par un sociologue. Oui, vous avez bien lu, je vous parle d'un bouquin de sociologue. Mais vous n'avez pas fait attention, j'ai dit "écrit". En clair, l'auteur utilise un langage que vous et moi sommes capables de comprendre : il écrit en français, sans se sentir obligé à jargonner comme le font trop souvent ces messieurs des sciences humaines pour prouver qu'ils sont scientifiques, même si inhumains.

2/ En plus, il parle du "management" dans les entreprises et organisations : c'est le plus intéressant car vous y retrouverez, vous aussi, des expériences que vous avez déjà fort connues : les petits arrangements qui font que collectivement on se débine, pourquoi un argument "raisonnable" ne suffit pas à susciter l'adhésion, pourquoi la plupart des conseils de consultants ne sont pas si utiles, ou que leur utilité ne réside pas forcément dans le produit vendu, et quelques autres exemples. Or, quiconque a un peu fréquenté le système militaire les reconnaitra : ce qui signifie que la fameuse "exception militaire" n'est pas aussi exceptionnelle qu'on le croit; Ou plutôt, elle l'est mais pas forcément à cause de la structure de commandement, la hiérarchie, le contrôle tatillon, comme on le croit trop souvent. Mais il s'agit là d'un point que je garde pour l'instant sous presse...

3/ Voici donc l'extrait qui suscite ce billet : "Il est vrai qu'un dirigeant est d'autant plus fort qu'il fait confiance, et il fait d'autant plus confiance qu'il est fort. Or la confiance est précisément ce que j'ai opposé à la bureaucratie procédurière. Il faut donc être sûr de soi, des hommes que l'on a choisis, mais surtout des règles du jeu que l'on fait émerger dans son organisation, et être persuadé que cette double certitude assurera un fonctionnement moins rassurant peut-être, mais plus performant que ce qui est écrit dans les manuels de management" (p. 229).

4/ Autrement dit, la réussite tient d'abord à la confiance. N'est-ce pas vrai également du commandement ? tout ne tient-il pas d'abord dans la relation de confiance entre le chef et ses hommes et, plus encore, à la solidarité "confiante" qui se noue entre les hommes et qui explique, souvent, les actes d'héroïsme qui se révèlent dans les circonstances extrêmes de la guerre ? et la confiance ne s'apprend-elle pas dans l'entraînement, le vrai, celui qui crée la cohésion?

5/ En fait, la cohésion n'est qu'un résultat. Ce que doit chercher le chef, c'est la confiance. Cela signifie qu'il doit prendre des risques et notamment celui de dépendre de son subordonné.

Ce n'est pas si évident, et pourtant, c'est la voie de la réussite. L'efficacité n'est pas rassurante !

C'est dingue ce que nous apprennent les sociologues !

O. Kempf