Alain Chouet, ancien chef du service renseignement de sécurité de la DGSE, « estime, sur la base d’informations sérieuses, recoupées, qu’Al-Qaïda est morte, sur le plan opérationnel, dans les trous à rats de Tora-Bora, en 2002 ». Notant « qu’aucun des terroristes postérieurs au 11 septembre, qui ont agi à Londres, Madrid, Casablanca, Djerba, Charm-el-Cheikh, Bali, Bombay ou ailleurs, n’a eu de contacts avec l’organisation », il juge que c’est « l’obstination incantatoire des Occidentaux à invoquer l’organisation mythique » qui a fait que chaque « contestataire violent, dans le monde musulman … a vite compris qu’il devait se réclamer d’Al-Qaïda s’il voulait être pris au sérieux. »
Selon lui, c’est en Arabie Saoudite que se situe le coeur du problème. La dynastie Saoudienne, observe-t-il, s’est depuis longtemps lancée dans une surenchère fondamentaliste pour conforter une légitimité incertaine et contestée, tout en ne laissant à une société civile privée de droits que ce terrain pour exprimer ses frustrations. C’est cette dialectique délétère, juge-t-il, qui sous tend l’expansion des thèses et des groupes fondamentalistes dans le monde musulman. Expansion favorisée par le choix des alliances d’un occident qui a renforcé les jihadistes en les mobilisant contre l’URSS, ferme les yeux sur les agissements du royaume saoudien en échange de l’accès à ses réserves pétrolières, et dont la « croisade ratée » contre le jihadisme et les frappes « sans grand discernement en Irak, en Afghanistan, dans les zones tribales du Pakistan, en Somalie et en Palestine » alimentent la violence. — A l’heure où la France subit le contrecoup de la guerre menée en Afghanistan cette analyse d’Alain Chouet, communiquée au Sénat en janvier 2010, rappelle à quel point la stratégie occidentale – déterminée à l’origine par les faucons néoconservateurs américains, fins stratèges s’il en est – est contre productive et repose sur une analyse profondément erronée du phénomène jihadiste.
Publication originale: Actes du colloque, Sénat, Le Moyen-Orient à l’heure nucléaire
Source article :Al-Qaïda est morte à Tora-Bora en 2002, par Alain Chouet, ancien chef de service de la DGSE