Lecture (sciences) : l'après-Einstein dans SCIENCE & VIE.

Par Ananda

Revue « Science & Vie », N° 1124.

Voilà un numéro de la revue française Science et Vie qui ne passe pas inaperçu !

En page 3, l’avant-propos annonce l’article sensationnel par un titre qui nous saute à la figure : « L’après – Einstein ».

Einstein et sa théorie de la relativité, quel édifice !

Avec et grâce à elle, les savants ont été à même d’expliquer presque tout l’Univers.

L’unité de l’espace-temps, le couple matière/énergie…l’expansion de l’Univers à partir d’un point unique d’explosion, le Big bang…en passant par les trous noirs, les mystères de la matière et de l’énergie qui arborent la même couleur…

Vous avez dit « matière noire »…justement, c’est de cela qu’il est question : « Et si elle est activement, désespérément même, recherchée, c’est que, sans elle, le bel édifice D’Albert Einstein ne peut plus prétendre rendre compte de l’Univers […]Sans elle, sa théorie de la relativité générale est bonnement balayée, alors qu’elle n’a jamais été prise en défaut depuis sa naissance, en 1915…Une catastrophe ».

Il ne s’agit pas de rire, et l’affaire n’a rien d’un poisson d’Avril : elle est grave, et « Dans les hauts lieux de la physique fondamentale, où découragement et fébrilité sont de plus en plus tangibles à force de buter sur la matière noire, certains confessent se préparer à faire leur deuil d’un siècle de cosmologie ».

Le trublion qui est à l’origine de ce séisme s’appelle Stacy MAC GAUGH, et est américain.

En 1915, le « Grand Albert » avait réussi le prodige de « faire tenir tout l’univers en une équation » et ainsi, comme nous le dit Mathilde FONTEZ, de « faire naître la cosmologie ».

Mais en 1933, un autre astronome, le Suisse Fritz SWICKY vient jeter déjà quelque peu le trouble ; il postule en effet l’existence d’une « masse invisible » qui « contraindrait les mouvements des astres » sans participer à leur « brillance » et qui, seule, serait à même d’expliquer pourquoi la vitesse de rotation des galaxies ne les « éjecte » pas hors de l’amas auquel elles appartiennent.

Swicky voulait éviter le « pavé » dans la mare d’Einstein.

Et voilà-t-il pas qu’en 2011, Mac Gaugh démontre formellement que, « qu’il s’agisse d’une spirale lumineuse ou d’une nébuleuse diffuse, la masse globale d’une galaxie semble toujours proportionnelle à la vitesse des étoiles qu’elle contient, à la puissance 4  ». Belle, très belle régularité !

Le seul problème – mais de taille – est dans le fait que le modèle standard, qui découle de la relativité einsteinienne, prévoit, pour sa part, que la matière noire ne se trouve pas répartie « de façon très homogène au sein des différents types de galaxies ».

D’un côté, une nouvelle « loi universelle », amoureuse de l’homogénéité.

De l’autre, un schéma qui va de pair avec l’irrégularité, le « chaotique ».

Cela ne peut aller ensemble.

Les galaxies ne tournent pas « comme prévu » et cela a quelque chose de plus que déconcertant.

Stacy Mac Gaugh confie : « j’ai toujours trouvé que postuler la présence d’une mystérieuse masse invisible était un peu artificiel ».

Cependant c’est en étudiant scrupuleusement « 47 galaxies » pendant pas moins de quinze ans que le chercheur de l’Université du Maryland a pu s’apercevoir que les étoiles de ces galaxies semblaient « vérifier parfaitement  la loi » dite « de TULLY-FISHER », qui stipulait que, dans le cas des galaxies spirales, « en connaissant la lumière d’une galaxie – et donc la masse de sa matière visible – on peut en déduire le mouvement de ses étoiles et vice-versa… ».

Or il existe une théorie newtonienne, appelée « Théorie MOND » qui postule que « la matière noire n’existe pas et que le défaut de masse dans l’Univers est dû à une modification de la gravitation ».

« En clair, selon MOND, la gravitation sur les bords des galaxies est plus forte que dans la théorie d’Einstein et cela suffit à ce que la loi de Tully-Fischer se vérifie naturellement, résume Stacy Mac Gaugh. […] Milgrom (=l’auteur de MOND) avait donc décrit en quelques lignes tout ce que j’observais ! »

Et, non contente de se vérifier « naturellement », cette loi se vérifie universellement.

L’article le clame : « tout se passe comme s’il n’existait finalement aucune « matière noire » ! ».

Désormais, « le doute est là », comme un ver dans le fruit de la puissante théorie consensuelle. « D’autant plus que les détecteurs ont beau traquer depuis 20 ans les mystérieuses particules de matière noire, ils n’ont toujours pas capté le moindre signal. Et que les premières expériences menées depuis quelques mois dans le plus grand des accélérateurs de particules n’ont pour l’instant rien détecté non plus ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le fameux « modèle standard » en prend un coup. Les astrophysiciens risquent d’être bientôt confrontés à une alternative : « ou bien on garde Einstein et on affine les modèles…ou bien on révise les lois de la cosmologie ».

Car il ne faut pas oublier qu’après tout, le modèle standard n’est autre qu’ « un ensemble de recettes, concoctées à partir de la relativité d’Einstein, de la présence d’une mystérieuse masse cachée (ou masse manquante) et enfin, d’un ensemble de lois disparates et non encore abouties : le modèle de physique des particules (théorie quantique) complété par une théorie, la supersymétrie, qui tarde à faire ses preuves » !

Révolutionnaire, décidément, ce numéro de Science & Vie…et diablement intéressant.

Car on y trouve aussi un article, « Le temps des origines bat en nous », qui nous apprend qu’une toute récente découverte, là encore, « vient d’établir » que « l’horloge circadienne [celle qui] régit l’alternance du jour et de la nuit […] n’est pas différente selon les espèces » vivantes ! « Universelle », sa pulsation « remonterait à plus de 2 milliards d’années ». « Animaux, végétaux, bactéries…tous, l’homme compris, battraient au même rythme grâce à ce métronome universel qui balance, inlassablement, depuis le matin de la vie dur Terre ! »

La vie s’est « approprié le tempo » de la « course du soleil » et des « variations quotidiennes de luminosité et de température qu’elle entraîne » via l’horloge biologique qui bat « la mesure au cœur des cellules » vivantes mêmes. N’est-ce pas fascinant ?

« C’est en étudiant les cycles circadiens d’un globule rouge et d’une algue unicellulaire que le biologiste (d’ascendance indienne) Akhilesh REDDY a découvert des protéines universelles qui, en sous main, se modifient toutes les 24 h et donneraient son rythme à l’horloge ».

Autres scoops que je me suis permis de relever dans la revue :

-côté éthologie, non seulement les chimpanzés, nos plus proches parents qui soient dans le règne animal, connaissent le rire, mais en outre ils ne se contentent pas de rire spontanément : « ils peuvent aussi répondre aux rires des autres, même quand il n’y a rien de drôle », le rire étant juste « plus court quand il est forcé » !

Et si les singes rient (sans parler de singeries !), tenez-vous bien, c’est pour éviter de « vexer leurs congénères » et, ce faisant, pour  renforcer « les liens qui les unissent au groupe ». Encore plus étonnant et plus troublant en ce sens qu’il les rapproche encore singulièrement des Hommes, le fait que, chez les chimpanzés, « les nouveaux venus imitent […] beaucoup plus les autres que ceux qui vivent dans un groupe où tout le monde se connait ».

-côté neurologie, « le liquide céphalorachidien, dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière, jouerait un rôle clé dans le développement du cerveau », du fait qu’il « contient une protéine qui favorise la division des cellules souches neuronales ».

- côté immunologie : « le fœtus possède déjà des défenses immunitaires », en l’espèce de « cellules immunitaires non spécifiques ».

Un numéro très riche, qui ne manquera pas d’intéresser.

P.L