Dès que j'ai entendu parler du film que Wim Wenders a consacré à Pina Bausch, j'ai eu envie d'aller le voir. Et du coup, comme à chaque fois que je sais qu'un film risque de me bouleverser, j'ai pris la précaution de ne rien lire à son sujet.
Au moment d'aller le voir, j'ai vu qu'il était projeté en 3D et j'ai eu un peu peur. Le dernier film en 3D que j'avais vu c'était Toy Story 4 et c'était bien la 3D mais ça m'a semblé un peu gadget quand même. Bon pour tout dire, sur le moment, j'avais eu l'impression qu'on aurait franchement pu s'en passer. Alors pour un film qui ambitionnait de rendre fidèlement l'émotion d'un spectacle vivant, j'avais peur que la 3D avec les grosses lunettes qu'elle impose et le cérémonial de la lingette ce soit carrément de trop. Donc j'ai recherché via mon moteur de recherche habituel une salle projetant le film en 2D. Une seule sortie à Paris : MK2 BNF.
Arf. Parce que ce cinéma est un peu perdu au milieu de nulle part. En tout cas que je n'ai pas mes habitudes dans ce quartier tout neuf que je trouve froid et impersonnel. Bon, je me décide quand même à y aller. Et là crois moi si tu veux, une fois sur place il n'y a qu'une salle de projection dans laquelle, contrairement à ce qui était annoncé sur le net, le film est projeté...en 3D. Hourra tout ça pour ça.
Bon, je prends sur moi en essayant d'oublier qu'au lieu d'aller jusqu'à Paris j'aurais pu aller le voir dans mon cinéma de quartier qui le projetait aussi dans ces conditions. Mais passons. J'y suis. Autant en profiter.
Et là, la claque. En fait la 3D est vraiment un plus dans ce contexte là. J'oublie bien vite l'instrument encombrant qui squatte mon appendice nasal et je me laisse glisser sur scène, aux côtés des danseurs.
Ce film est l'occasion de découvrir Pina Bausch, extralucide d'un genre nouveau, exploratrice de l'âme, peu directive mais guidant ses danseurs en les invitant à seulement exprimer des sentiments profonds et sincères. Et de fait, ils le font magistralement.
Sa troupe est belle. Pas dans le sens classique du terme, ce n'est pas vraiment que chaque artiste réponde aux canons de la beauté "moderne occidnetale". Non. Mais Pina est une visionnaire. Ses danseurs sont jeunes ou vieux, frêles ou solides, grands ou petit : Pas de règle chez Pina. Pas de règle sauf une : Ce sont tous de vrais interprètes. Des vecteurs d'émotion particulièrement efficaces qui touchent au coeur dès lors qu'ils commencent à se mouvoir.
Le film est beau. Loin de la rigidité de la danse classique, Pina évolue dans le domaine de la danse contemporaine, crée des tableaux vivants, souples et touchants au possible. Loin du mythe de Babel, elle réconcilie les hommes en proposant un langage universel, celui des corps.
Qu'elle évoque la solitude, le couple et l'amour en général, Pina fait naitre le frisson. Pour ma part je l'avais découverte par le biais du film d'Almodovar "parle avec elle" qui m'avait donné envie d'en savoir plus. Ce film m'a satisfaite. Ce n'est pas un biopic mais il explore le travail de Pina de la façon la plus élégante qui soit : en laissant la plus grande place à ses oeuvres, avec des effets de mise en scène particulièrement réussis. On pourrait regretter certaines interventions des danseurs ou des proches, pas toujours des plus pertinentes mais au fond elles sont touchantes parce qu'elles livrent toutes un point de vue personnel sur l'artiste, fut il parfois déçevant, et qu'elles révèlent qu'au fond chaque individu est perçu différemment par celui qui est amené à le cotoyer.
Pina est un film sur le beau. Et un beau film. Un film qui permet de faire le plein d'émotions le temps d'une diffusion et qui permet à ceux qui ne les connaitraient pas de découvrir les oeuvres de Pina Bausch dans toute leur diversité, de toucher de près l'incroyable talent de cette chorégraphe et danseuse qui aura marqué son époque.
La valse de Camille Claudel
Je termine sur un de mes passages favoris, parce qu'il reprend ce qui m'émeut déjà beaucoup dans "La Valse" de Camille Claudel, une de mes sculptures préférées, cette idée de l'abandon nécessaire , de la mise en danger permanente qu'il représente, de l'angoisse de la chute toujours latente, de la fragilité de l'équilibre précaire qu'il représente. Parce qu'il met en avant cet élan instinctif qui pousse à avancer sans jamais savoir où l'on met les pieds.
"Dansez, dansez, sinon vous êtes perdus" Pina Bausch