Nous sommes bien en face d’un dilemme presque insoluble lorsque s’accolent deux discours, eux-mêmes inspirés par deux volontés populaires significativement ressenties, celui de la sécurité et celui de la liberté. Tous les politiques perçoivent très bien que parler de lutte contre l’insécurité est un propos approuvé par le plus grand nombre et les agressions dans les lycées, les violences gratuites, les morts sur les routes qui occupent quotidiennement l’espace des faits divers ne font que renforcer la demande.
“Trois ou quatre jeunes ont violemment agressé un collégien qui sortait de cours. Ils l’ont violemment frappé à la tête … Ses jours sont en danger”, de telles annonces récurrentes, malheureusement assez fréquentes, ne peuvent que fortifier des propositions du style “présence policière dans et aux abords des établissements d’enseignement”, investissements vidéos dans les lieux publics etc. On ajoutera la notion des zones “à risques” disqualifiant les uns par rapport aux autres. Le pouvoir en place, quel qu’il soit d’ailleurs, se doit d’offrir une représentation rassurante : « il faut vaincre les ennemis de la liberté et de la sécurité » devient le leitmotiv et nous remarquons que liberté est invariablement “soudé” à sécurité.
Il convient de ne pas pas oublier d’ajouter que cette insécurité est surtout “dure aux plus faibles”, ce qui n’est pas complètement faux, ces derniers n’ayant pas les moyens de se défendre ni ceux de protéger leurs résidences ni même leurs enfants en les confiant à des établissements plus sûrs et « confidentiels ». Ce “dure aux faibles”, est l’occasion d’introduire une dimension d’injustice sociale à combattre au bon milieu de la sécurité et d’accrroître l’ambiguïté du débat.
Dans le même temps, attachés à la sécurité, nos concitoyens le sont tout autant à la liberté. Une liberté qui devient de plus en plus individualiste : « ma » liberté ! La difficulté d’embrasser une notion de liberté « collective » difficile à décrire rend le problème très compliqué à résoudre.
L’exemple que nous donne la dernière offensive de la « sécurité routière » enregistrant la progression récente des tués sur la route est à ce titre assez éclairant. On va « cacher » les radars jusque-là signalés, sophistiquer les nouveaux moyens mis en place et les multiplier. L’exemple est bon puisqu’en effet on pourrait, après tout, avoir la « liberté » de se tuer sur la route, mais ce faisant par une conduite suicidaire le risque de tuer l’autre est grand. On peut même se « rater » et décimer l’innocent. Il n’y a donc pas d’autre solution que de restreindre la liberté de tous. Dans son principe même la sécurité est donc liberticide.
Il y a vraiment matière à réflexion autour de cette quête de la sécurité, de la recherche du risque zéro, elle signifie signifie invariablement une restriction de « sa » liberté individuelle. Le propos peut sembler pusillanime et témoin d’une grand pauvreté de la pensée, mais à une époque où les slogans vont faire florès, où celui de l’insécurité ne sera pas des moindres, il semble heureux de rappeler quelques évidences. Le discours libertaire accolé à celui de la sécurité n’est que triste faux semblant. La sécurité à tout prix est synonyme « d’oppression » individuelle.