Première fois que je lis Mylène Gilbert-Dumas, cette auteure pourtant prolifique.
Sophie Parent pourrait être ma voisine, mon amie, ma cousine. C’est ce genre de femme qui s’efface parce qu’elle ne veut pas de trouble dans sa vie, esclave de son besoin d’harmonie. Elle ne veut déplaire à personne, ni à sa mère, ni même à sa soeur. Est-ce parce qu’elle n’a pas de caractère, les nerfs comme on dit, pour s’affirmer ? C’est ce que nous verrons en suivant de près son escapade.
Il est évidemment crucial de s’attacher au personnage ou, sinon, quel plaisir, ou quel désir, aurait-t-on de suivre ses péripéties ? Les sept premiers chapitres nous font visiter la prison plaquée or de cette enseignante, épouse et mère de deux adolescentes. Le mari est un goujat, les ados, des monstres d’égoïsme. On n’y va pas avec le dos de la cuillère, seulement 50% de ce régime et je gage que n’importe quelle femme avec une colonne prend les jambes à son cou ! Ça m’est apparu un peu gros. J’imagine qu’il était important d’installer cette situation intenable pour aller chercher l’assentiment complet du lecteur ; quoique Sophie fera, elle aura sa bénédiction.
La suite nous transporte dans une aventure rocambolesque, plus loin que le Canada et la routine. J’ai beaucoup aimé cette part de voyage initiatique en condensé et en intensité. J’avalais les pages, me laissant à peine le temps de les digérer, tellement ce qui arrivait à Sophie était trépident. Et montais en moi la peur blanche qu’elle retourne à sa case départ, fugitive frayeur cependant, puisque je n’avais qu’à me rappeler le « sans retour » du titre. J’interroge d’ailleurs cette indication explicite du « sans retour », j’aurais bien pris plus d’inquiétude encore !
Vient ensuite la plus grosse partie du roman, la réhabilitation de l’estime de Sophie Parent. À cette lecture, une phrase est née dans ma tête « Si Dieu pouvait donc prendre soin de ses ouailles aussi bien que Mylène Gilbert-Dumas prend soin de ses personnages ! ». J’ai trouvé apaisant, nourrissant même, d’être témoin de l’éclosion d’un moi, jadis si soumis, et le voir prendre de la vitesse sur la voie de l’indépendance sur des essieux bien huilés.
Ce qui amplifiait le plaisir de la lecture est le fond du décor où se dénoue le périple; un village solidaire. D’habiter ce lieu en compagnie de Sophie Parent, c'est plus que ravigotant, c’est enrichissant. On trouve moyen d’y apprendre les lois de la nature, qui sont tout, excepté tendres. On prend part au jardinage, au voisinage, au ménage, au « cuisinage » ! En compagnie d’une voisine au caractère fort, Sophie à qui on s’est intimement attachée, outrepassera allègrement les règles de l’indépendance.
Cette histoire démontre cette loi fondamentale ; le respect des autres se gagne par la force de l’élémentaire respect que l’on se doit. Et surprise, on découvre un délicieux bonus à la fin du volume, un cadeau gourmand de l’auteure !
Un succulent souvenir de lecture pour son côté aussi réconfortant que captivant.
L'escapade sans retour de Sophie Parent, Mylène Gilbert-Dumas, VLB Éditeur, date de parution mars 2011, 352 pages.