En trente ans, les frontières physiques, morales et idéologiques, dans lesquelles l'intelligence de l'homme avait placé l'argent pour en faire un serviteur du progrès et un bon compagnon de route de la démocratie, ont volé en éclats.
La liquidité a cessé d'être un moyen pour devenir une religion. La cupidité, naguère vice individuel contrôlable et compatible avec l'utilité commune, est devenue un système. La crise que nous
traversons est beaucoup plus qu'une crise financière, économique et sociale, aussi grave soit-elle : c'est une rupture politique qui sanctionne le passage de l'ère de l'argent socialisé et
dispersé, à celle de l'argent privatisé et concentré.
Ce n'est donc pas seulement contre la dépression immédiate qu'il faut lutter, mais aussi contre le risque d'effritement démocratique et de montée des oligarchies qui se dissimule derrière elle. L'ordre de l'argent maîtrisé, compatible avec la liberté et la justice, est à rebâtir.
- - - - - - - -
Extrait de « Le président des riches, enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy » –– Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot – ZONES - décembre 2010
Une oligarche au pouvoir – page 56
Charles- Henri Filippi, banquier distingué mais lucide, ayant beaucoup appris pour avoir été président et directeur général du Crédit commercial de France, puis de HSBC France après que le CCF fut passé sous cette marque, a écrit (…) que : « La dérive oligarchique risque d ne plus être capable d’offrir de perspective de prospérité qu’à une petite élite pleine d’appétit, plus soucieuse de compromis efficace que de la démocratie et du progrès pour tous »
Conclusion. Que faire ? pages 206-207
« Face au déraillement du système [la crise financière de 2008], finalement dû à l’excessive privatisation de ce bien collectif qu’est l’argent, l’effective réappropriation publique de la monnaie, concertée, immédiate et transitoire, par le biais de la nationalisation du système bancaire occidental aurait dû être l’acte premier et inévitable de la riposte. »
Au lieu d’aider les banques sans contraintes réelles, en leur prêtant à un taux favorable des milliards d’euros, Nicolas Sarkozy aurait été beaucoup mieux inspiré de revenir, comme le soutient ce banquier, à une économie sociale de marché « qui mette sous tutelle l’argent prédateur tout en laissant s’exprimer l’argent de progrès.
Citation extraite de « L’argent sans maître » - Paris Descartes & Cie, 2009, p. 94.