La journée s'annonce chargée pour Evelyne T.. Entre ses multiples réunions au bureau, cette conseillère municipale ne sait plus où donner de la tête. Surtout que d'ici 15h, heure à laquelle elle quitte son office, il lui faut replonger dans d'autres réunions, cette fois au sein du parti politique où elle occupe la fonction de présidente de sous-section. Une tâche qui lui prend une bonne partie de son temps : « Il faut discuter avec les militantes, les organiser, gérer nos participations à des séminaires, des meetings, relayer leurs doléances à la hiérarchie, etc. Ce n'est pas aisé du tout. Surtout quand il faut également gérer son foyer », explique-t-elle. Mais Evelyne T. a réussi à trouver un bon équilibre entre toutes ces activités. Elle a surtout bénéficié d'un soutien important : celui de son époux. « Ce n'était pas facile au début car il souhaitait me voir à la maison tout le temps. Il a fini par comprendre que j'avais besoin de m'impliquer dans la gestion de notre société afin de m'épanouir. J'ai vraiment eu de la chance », reconnaît-elle.
Ce n'est pas le cas de beaucoup de ses soeurs, qui souhaitent s'impliquer dans la politique, au-delà de l'animation des rencontres du parti. « La femme camerounaise est née dans un environnement qui ne lui a pas enseigné l'affirmation de soi, la contribution à la gestion de la société. On lui rappelle tout le temps que la politique n'est pas pour elle, qu'elle doit s'occuper de sa famille. Tout ceci reste dans le subconscient si bien que, même lorsqu'elle en a les capacités, elle s'autocensure, à cause de la peur du regard de la société », explique Justine Diffo Tchunkam, coordinatrice nationale de l'ONG « More Women in Politics ». Les hommes sont également considérés par beaucoup de femmes comme un frein majeur à leur épanouissement politique. « Machistes, paternalistes, condescendants, les hommes affirment parfois des choses qu'ils ne se permettraient pas de dire si nous étions des hommes. Comme si nous n'avions pas aussi le droit de passer plusieurs heures par jour à faire de la politique, comme s'il s'agissait d'un caprice de femme moderne », déplore Hermine Mintsa, secrétaire exécutif adjoint de l'ONG « Femmes et gouvernance ».
Justement, le regroupement en associations ou en réseau se positionne en début de réponse à la situation. « Nous essayons de lutter contre les idées reçues parce qu'il faut montrer aux femmes quelle est leur place dans la société et quelle peut être leur influence si elles s'impliquent mieux », ajoute Hermine Mintsa. Des formations, des séances d'information, des ateliers de sensibilisation comme celui prévu ce jour par la Commission nationale des droits de l'Homme et des libertés (CNDHL), sur les droits électoraux de la femme au Cameroun, tentent de booster un engagement qui ne peut qu'être bénéfique pour tout le monde.