Les blessés, comptez vous !

C'est la fin du suspens.

Marc Lièvremont vient de rendre publique la liste des joueurs sélectionnés pour disputer la prochaine Coupe du monde de rugby, qui se déroulera du 9 septembre au 23 octobre prochain en Nouvelle-Zélande.

Cette liste ne compte pas 30 mais 32 joueurs. La raison est sans doute en lien avec le nombre des blessés qui la composent, des blessés "longue durée" dont la participation à la coupe du monde est loin d'être acquise.

A commencer par les piliers puisque sont sélectionnés Fabien Barcella et Thomas Domingo. Les deux titulaires successifs de la charge de pilier gauche soignent leurs maux avec la foi chevillée au corps dans une participation à la Coupe du monde. A défaut de foi, les sélectionneurs caressent l'espoir d'un rétablissement à temps pour le début de la compétition. Sans vouloir être pessimiste, le précédent "Marconnet" et le fait que même rétablis, ces deux joueurs seront vraisemblablement à court de forme ne plaident pas en leur faveur. Cette situation fait en tout cas le bonheur de Sylvain Marconnet et Jean-Baptiste Poux. Les deux anciens vont apporter leur expérience et leur polyvalence à un groupe qui comptera par ailleurs deux "droitiers" avec Nicolas Mas et Luc Ducalcon.

Les surprises proviennent de l'éviction de Schuster qui semblait avoir les faveurs des sélectionneurs malgré un niveau prétant à discussion, et le retour de Jean-Baptiste Poux qui n'a pas évolué en bleu depuis plus d'un an. Le rôle des piliers est majeur pendant une coupe du monde. L'expérience est un critère évident pour justifier la sélection du pilier Toulousain. Il est dommage cependant que celui-ci n'ait pas pu davantage travailler avec le groupe tricolore au moment du Tournoi 2011 ou de la dernière tournée d'automne.

Côtés talonneurs, les sélectionneurs ont également fait un pari, celui d'un rétablissement à temps de Dimitri Szarzewski, le bouillonnant talonneur du Stade Français. A l'image de ses collègues Barcella et Domingo, il se bat contre la montre sans certitude d'être prêt pour la compétition. Son nom sur la liste a pour conséquence d'évincer celui de Guilhem Guirado, pas plus convaincant que Jérôme Schuster lors de ses apparitions en bleu. Mais celui-ci a davantage de chances d'être appelé en cas de forfait du Parisien.

En deuxièmes lignes, trois noms apparaissent indiscutables, avec une (petite) nuance de circonspection pour Julien Pierre. S'agissant de Pascal Papé, on peut estimer qu'il prend la place de Jérôme Thion dont on se doutait qu'il serait absent de la liste après ses dernières sorties pour le moins inconsistantes sous le maillot bleu. Lorsqu'il n'est pas blessé, Pascal Papé apporte son agressivité et un peu de vice (une vertu chez les avants...) à un pack tricolore parfois un peu "tendre" de ce point de vue.

Evidemment, la troisième ligne est sans doute celle qui fera le plus parler, à défaut de faire réellement débat. Pas un poil de barbe à l'horizon : Sébastien Chabal ne jouera vraisemblablement plus en équipe de France. Sa non sélection n'est pas liée, nous dit-on, à sa sortie sur l'arbitrage et les "arrangements" dont bénéficieraient certains clubs, sortie autrement plus efficace que celles qu'il avait pu faire dernièrement avec la sélection nationale. Ce qui importe surtout, c'est que Marc Lièvremont et le comité de sélection aient choisi de faire appel à deux jeunes, Louis Picamoles et Raphaël Lakafia. Pour le premier, c'est une formidable récompense pour les efforts qu'il a consenti au Stade Toulousain. Pour le second, qui profite d'une saison remarquable l'ayant révélé au plus haut niveau, la Coupe du monde 2011 sera très certainement vécue essentiellemnt dans la tribune. Mais c'est l'occasion pour lui de découvrir le mode de fonctionnement d'une sélection qu'il devrait fréquenter régulièrement s'il continue sa progression. Inutile de préciser combien son émulation avec Louis Picamoles pourrait faire des étincelles...après la Coupe du monde.

Nul doute que le retour de Fulgence Ouedraogo sucitera lui aussi de nombreux commentaires, tant le capitaine de Montpellier est un joueur atypique. Son influence sur le MHRC est réelle et son style de jeu colle avec le rugby moderne. Mais certains lui reprochent un physique trop juste pour l'affrontement au niveau international. A voir. Ce qui est certain, c'est qu'avec ses autres partenaires de la troisième ligne, il offre aux sélectionneurs une gamme très large de styles et donc de possibilités tactiques.

Le choix des demis est, quant à lui, logique. Morgan Parra et Dimitri Yachvilli sont au-dessus du lot, et Julien Dupuy paie visiblement son état d'esprit qui ne conviendrait pas, dit-on, à certains cadres du groupe. Secret de vestiaire...

A l'ouverture, on pensait que Jonathan Wisiniewski serait peut-être appelé, ce qui aurait constitué une grosse surprise, pour ne pas dire une première, puisque celui-ci n'a jamais endossé le maillot de la "grande" équipe de France. Il devra donc attendre encore quelques mois pour débuter dans le XV frappé du coq. Les sélectionneurs ont préféré faire appel à David Skréla, toujours au nom de l'expérience. Ils pourront également compter (normalement, car il est encore blessé à ce jour) sur Damien Traille qui est sélectionné en qualité d'arrière. quant à François Trinh-Duc, sa présence était une certitude depuis plusieurs mois maintenant.

Chez les trois-quart, on note avec perplexité que deux des quatre seléctionnés sont sérieusement blessés (Maxime Mermoz et Aurélien Rougerie), alors que les deux autres n'apparaissent pas comme des incontournables. David Marty et Fabrice Estebanez sont-ils meilleurs que Yannick Jauzion ou Florian Fritz? Qu'il soit permis d'en douter.

Aux ailes, Yoann Huget bénéficie d'une cote d'amour qui dépasse sinon l'entendement du moins la qualité de ses prestations sous le maillot bleu. Très impressionnant à Bayonne, il reste assez quelconque en équipe de France. On ne peut que souhaiter que son éclosion au plus haut niveau survienne en Nouvelle-Zélande. C'est avec plaisir qu'on note le retour de "Cédric Immense", qui va donc vivre une deuxième coupe du Monde, avec son compère Vincent Clerc et Maxime "JPR Williams" Médard. L'éventualité de voir évoluer le trident Heymans - Clerc - Médard consolera peut-être les supporters Toulousain de l'éviction de Clément Poitrenaud. Enfin, Alexis Palisson se voit offrir une nouvelle chance de briller, alors que la saison difficile qu'il a vécue avec Brive ne l'a pas forcément mis dans les meilleures dispositions cette année.

Au final, cette liste laisse un sentiment d'inachevé. Certains choix sont audacieux et/ou excitants mais d'autres laissent perplexes. Et, surtout, le nombre élevé de joueurs actuellement blessés ne permet aucune certitude sur la composition définitive de la sélection. Il est fort probable qu'une "liste cachée" existe et encore plus qu'elle sera utilisée.

Pour l'instant, les bleus sont trente-deux. Espérons que les derniers matches du Top 14 et la préparation qui suivra ne provoqueront pas d'autres blessures, afin que le XV de France soit sur son trente et un le 9 septembre prochain. 

1ère ligne : Fabien Barcella (Biarritz), Thomas Domingo (Clermont), Jean-Baptiste Poux (Toulouse), William Servat (Toulouse), Dimitri Szarzewski (Stade Français), Luc Ducalcon (Castres), Nicolas Mas (Perpignan), Sylvain Marconnet (Biarritz)

2ème ligne : Pascal Papé (Stade Français), Julien Pierre (Clermont), Romain Millo-Chluski (Toulouse), Lionel Nallet (Racing-Métro 92)

3ème ligne : Julien Bonnaire (Clermont), Imanol Harinordoquy (Biarritz), Thierry Dusautoir (Toulouse/Cap), Fulgence Ouedraogo (Montpellier), Raphaël Lakafia (Biarritz), Louis Picamoles (Toulouse)

1/2 de mêlée : Morgan Parra (Clermont), Dimitri Yachvili (Biarritz)

1/2 d'ouverture : David Skrela (Toulouse), François Trinh-Duc (Montpellier)

3/4 centres : Fabrice Estebanez (Brive), Maxime Mermoz (Perpignan), David Marty (Perpignan), Aurélien Rougerie (Clermont)

Arrières/ailiers : Maxime Médard (Toulouse), Alexis Palisson (Brive), Vincent Clerc (Toulouse), Yoann Huget (Bayonne), Cédric Heymans (Toulouse), Damien Traille (Biarritz)